L’évangile du dimanche 23 juin

Lc 1.57-80 – Jean Baptiste, figure de prophète    

Introduction

Dans l’évangile de Luc, Jean est né six mois avant Jésus. Comme Jésus est né selon la tradition le 24 décembre, selon cette même tradition, Jean est né le 24 juin. C’est pourquoi ce dimanche nous méditerons le récit de la naissance de Jean.

Juste après la naissance, Luc a inséré le cantique de Zacharie qui inscrit celui qui s’appellera le Baptiseur comme un aboutissement de toutes les promesses du Premier Testament.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Il s’appellera Jean

Selon la tradition, huit jours après sa naissance, le fils de Zacharie et Élisabeth est circoncis. C’est à cette occasion que, selon la tradition, on donne son nom à l’enfant. Une tradition voulait qu’il prenne le nom de son père, Zacharie, dont il sera le successeur, mais lorsque l’ange a fait l’annonce à Zacharie qu’il aurait un enfant, il lui a dit : Tu l’appelleras du nom de Jean (Lc 1.13). 

Jean signifie Dieu fait grâce, et il est le fils de Zacharie, Dieu s’est souvenu, et d’Élisabeth, Dieu a promis. La grâce est à la rencontre de la mémoire et de la promesse. 

Vocation de Jean

En appelant son fils Jean, Zacharie privilégie la dimension vocationnelle – être témoin de la grâce – à la tradition familiale. 

Cette vocation se déploie dans le cantique de Zacharie au sujet de son fils.

Dans le début de l’évangile de Jean, on oppose parfois la foi de Marie qui dit oui à l’annonce de son enfant à l’incrédulité de Zacharie qui interroge l’ange car le couple est trop âgé pour enfanter. On peut noter que les rôles s’inversent par la suite puisque Marie cherchera à ramener Jésus à la maison pour le soustraire à sa vocation alors que Zacharie inscrit Jean dans sa vocation de prophète dès a naissance. 

Pistes d’actualisation

1er thème : Inscription dans l’histoire

Dans son cantique, Zacharie relit l’histoire d’Israël, comme souvent les Psaumes, et inscrit la naissance de Jean comme un accomplissement de la promesse faite à Abraham.

Jean est à l’articulation des deux testaments puisqu’il est à la foi celui qui accomplit la promesse de la première alliance et celui qui annonce la venue de Jésus.

Ce texte s’oppose à tous ceux qui veulent gommer le Premier Testament dans la foi chrétienne. Il enracine l’évangile dans une histoire et dans une espérance. En cela, on peut considérer que ce cantique joue le même rôle que la généalogie qui ouvre l’évangile de Matthieu, une façon de dire que le ministère de Jésus ne peut se comprendre sans son enracinement dans l’histoire.

2e thème : Jean, le prophète

Zacharie définit Jean comme un prophète. En hébreu, le mot prophète vient d’un verbe qui signifie venir ; le prophète est celui qui voit ce qui vient, qui est capable de faire venir la parole divine. André Neher disait que ce que dévoilait le prophète, ce n’est pas l’avenir mais l’absolu. Dans la pensée rabbinique, Abraham, Moïse ou Samuel étaient des prophètes au même titre que Élie, Jérémie ou Zacharie. Ils n’ont pas beaucoup parlé d’avenir mais ils ont su entendre et comprendre la parole de Dieu pour leur temps.

Le prophète nous aide à saisir le fil de la providence divine entrelacé dans la succession des événements, en un mot à entreprendre le déchiffrage de l’histoire. Jean sera prophète parce que le premier, il reconnaîtra en Jésus celui qui est l’envoyé de Dieu, même s’il ne comprendra pas toujours son évangile. 

3e thème : L’incarnation de la parole

Zacharie dit de son fils prophète : Tu iras devant le Seigneur pour préparer ses chemins. Les quatre évangiles reprennent le verset d’Ésaïe pour dire de Jean qu’il est celui qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur. » 

Il prépare le chemin du Seigneur en criant de préparer le chemin du Seigneur. Autrement dit, il incarne s a parole. Le propre d’un prophète est qu’il ne fait pas que parler, il vit ce qu’il dit. Plus tard dans l’évangile Jean vivra dans le désert, il sera un ascète et il dénoncera le mauvais comportement du roi. 

Dans la Bible, le vrai prophète ne fait pas que dire la vérité, il vit la vérité, il est la vérité. Jean n’a pas transigé avec la vérité, ça lui a coûté sa vie. 

Une illustration : La liberté de culte

Dans son cantique, Zacharie dit que la grâce de la délivrance des ennemis a pour but de pouvoir rendre un culte à Dieu sans crainte. La liberté de culte comme signe de la liberté d’un peuple.

Nous trouvons la même idée dans le livre de l’Exode.Lorsque Dieu a demandé à Moïse de libérer son peuple, ce dernier lui a demandé un signe. Dieu a répondu : voici quel sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Égypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne (Ex 3.12). La première marque de délivrance, c’est de pouvoir rendre un culte

La liberté de culte est fondamentale, car elle est l’affirmation que notre vie ne trouve sa raison d’être ni dans le service de l’état, ni dans la consommation, ni dans le regard du prochain, mais dans la relation à l’ultime. Les dictateurs ont toujours cherché à limiter la liberté religieuse, car ils ont craint la liberté de penser de leurs sujets.

Le livre des Actes du dimanche 23 juin

Ac 13.22-26 – La première évangélisation

Le contexte – Antioche de Pisidie

Barnabé a été envoyé à Antioche en Syrie pour renforcer l’Église naissante. Il a appelé Paul pour le seconder, puis Paul et Barnabé ont été envoyés pour poursuivre le commandement que le Christ avait laissé à ses disciples avant son ascension : « vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1.8).

Ils sont allés à Chypre, puis ils ont fait route jusqu’à Antioche de Pisidie, au cœur de l’Asie Mineure. Comme à leur habitude, ils ont commencé par se rendre à la synagogue et ils ont été invités à prendre la parole selon la belle tradition qu’un invité pouvait délivrer un message, des fois que ce serait un envoyé de Dieu qui aurait une parole pour la communauté. 

Cela a donné l’occasion à Paul d’enraciner sa foi en Jésus-Christ dans l’histoire de la première alliance.

Que dit le texte ? – Accomplissement d’une promesse

Avant de parler de Jésus, Paul l’inscrit dans la lignée de deux hommes : David et Jean.

À propos de David, il dit en accord avec la tradition biblique qu’il a fait toute la volonté de Dieu. Pourtant le deuxième livre de Samuel nous a appris que la royauté de David a été entachée par deux grosses fautes : l’adultère avec Bethsabée qui a entraîné le meurtre de son mari, et le recensement malheureux à la fin de son règne. Mais après ces deux fautes, David s’est repenti (2 S 12.13, 24.10). Lorsque Paul dit que David a fait toutes les volontés de Dieu, ce n’est pas qu’il n’ait jamais fauté, mais qu’il n’a jamais rompu le lien avec son sauveur, il n’a jamais triché avec Dieu comme le révèle la tradition des Psaumes. 

Si David été l’homme de la repentance, Jean a appelé à la repentance, au changement de comportement, et il a surtout annoncé celui qui venait après lui et dont il n’était pas digne de détacher les sandales. 

Si David a été l’homme de la repentance, Jean a été celui de l’humilité. La repentance et l’humilité ont été deux points cardinaux de la prédication de Jésus. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Jean et Jésus

Les quatre évangiles situent Jean à l’articulation des deux testaments. Le dernier verset des livres prophétique est l’annonce de Malachie qui parle de l’envoi d’Élie le prophète qui « ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne mettre à mal le pays en le frappant d’anathème » (Ml 3.24). Et dans l’évangile, Jésus affirme que Jean est l’Élie qui devait venir (Mt 11.14, 17.12).

Paul s’appuie sur la personne de Jean pour annoncer aux juifs de Pisidie que Jésus est bien celui qui était annoncé par les prophètes et qui accomplit la promesse faite aux pères. 

Le texte du Premier Testament du dimanche 23 juin

Es 49.1-6 – Encouragements pour les serviteurs

Le contexte – Les chants du serviteur

La deuxième partie du livre d’Ésaïe évoque la période de l’exil, lorsque le peuple a connu l’épreuve de la déportation et qu’il était menacé dans sa survie. 

Pour évoquer la présence de Dieu dans l’histoire, cette partie comporte les chants du serviteur que les chrétiens ont lu dans une perspective christique. Ils sont l’annonce que Dieu n’abandonne pas son peuple lorsqu’il est opprimé. Parfois même, c’est dans son abaissement qu’il est le témoin fidèle du Dieu du ciel et de la terre. 

Un premier chant parle d’un serviteur qui se manifeste dans l’attention au petit et au fragile et qui a été envoyé pour imposer l’équité sur la terre non par la violence et la force, mais en prenant soin de son peuple. 

Le texte que nous avons lu est un deuxième chant qui raconte la vocation du serviteur appelé à dire la parole : « Il a rendu ma bouche semblable à une épée acérée… il a fait de moi une flèche aiguë. »

Que dit le texte ? – La vocation du serviteur

Au centre de ce chant, nous trouvons un serviteur menacé par le découragement : « C’est pour rien que je me suis fatigué, c’est pour le chaos, la futilité, que j’ai épuisé ma force. » Tous ceux qui assument une vocation, qui exercent un ministère dans une période de basses-eaux se reconnaîtront dans cette tentation de l’abandon. Pour soutenir le serviteur, le texte apporte deux encouragements.

Le Seigneur l’a appelé depuis le ventre maternel, affirmation qui est régulièrement répétée dans cette partie du livre d’Ésaïe. Une façon de dire que la vocation est première, antérieure à la conscience qu’on en a. L’épître aux Éphésiens a radicalisé cette affirmation : En lui, il nous a choisis avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui (Ep 1.4).

Ensuite, le Seigneur lui fait la promesse qu’il le glorifiera et qu’il sera une lumière. Cela ne veut pas dire qu’il ne rencontrera pas d’épreuves (le troisième chant évoquera son abaissement jusqu’à l’humiliation), mais que devant Dieu il sera grand au-delà de ses épreuves. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Jean, une figure de serviteur

La figure du serviteur s’applique bien à Jean. Lui aussi a reçu sa vocation dès sa naissance et il a eu une parole vigoureuse, il a connu le doute et le découragement, et s’il a été martyr, son nom est aujourd’hui vénéré dans toutes les Églises. 

Le serviteur d’Ésaïe et Jean le Baptiseur sont une incarnation du renversement de l’Évangile qui dit que les plus grands sont les petits, les vrais maîtres sont les serviteurs et les plus glorifiés sont les plus humbles. C’est ce renversement que Marie a chanté dans son cantique quand elle a dit à propos de Dieu : « Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses, Il a fait descendre les puissants de leurs trônes, élevé les humbles, rassasié de biens les affamés, renvoyé à vide les riches » (Lc 1.51-53).

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis