L’évangile du dimanche 24 novembre

Marc 1.7-11 – Le baptême de Jésus : Tu es mon fils bien-aimé

Introduction

Le baptême de Jésus a créé un embarras dans la première Église. Il suffit de remarquer que l’évangile de Luc n’en parle pas (il dit que Luc et a été présenté au temple et circoncis, mais pas qu’il a été baptisé) et dans le quatrième évangile, Jean dit que Jésus a été baptisé, mais il ne dit pas que c’est par lui.

Seuls les évangiles de Matthieu et de Marc en parlent ouvertement. La raison en est que dans la première Église, les disciples de Jésus étaient en concurrence avec ceux de Jean (Ac 18.25), il était donc gênant pour eux de reconnaître que Jésus a été baptisé par Jean. Cette gêne prêche en faveur de l’historicité de ce passage, on ne voit pas dans quel but la tradition l’aurait inventé.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

La déchirure des cieux

Au verset 10, lorsque Jésus sort de l’eau, il vit les cieux se déchirer. La déchirure des cieux au commencement de l’évangile fait écho à la déchirure du rideau du temple lorsque Jésus meurt sur la croix (15.38). Les cieux qui se déchirent, c’est le signe d’un Dieu qui quitte son ciel pour se révéler au fils dans le baptême, de même que la déchirure du rideau met à nu le lieu très saint ou symboliquement Dieu se tient. Il n’est plus à chercher ailleurs que dans son fils qui meurt sur une croix. Le baptême par immersion est un signe de mort, mourir à sa propre personne, pour renaître à l’amour et à la grâce.

Tu es mon fils bien-aimé

Dans la même veine, lorsque les cieux se déchirent, une voix a déclaré : Tu es mon Fils bien-aimé. La même voix est survenue de la nuée pour dire la même chose au moment de la Transfiguration (Mc 9.7). Or le récit de la Transfiguration se situe dans les trois évangiles synoptiques après la première annonce de la croix. La voix confirme la filialité de Jésus quand il descend dans les eaux du baptême et lorsqu’il annonce sa passion. C’est deux récits sont une illustration de ce qui a été dit dans l’hymne de l’épître aux Philippiens qui dit à propos du Christ : « lui qui était vraiment divin… il s’est vidé de lui-même… il s’est abaissé lui-même… C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom. » (Ph 2.6-9). Nous retrouvons le message de l’évangile qui dit que les vrais grands sont les petits, les plus fidèles sont les plus serviteurs.

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus se fait baptiser pour le pardon des péchés

Jean baptisait pour le pardon des péchés (1.4) et on imagine Jésus faisant la queue avec les habitants de Jérusalem pour être baptisé. Si la théologie dit que Jésus était sans péché (2 Co 5.21, 1 Pi 2.22…), pourquoi a-t-il besoin d’être baptisé ?

Pour répondre à cette question, il faut entendre que le péché n’est pas une catégorie morale, mais existentielle, le péché est ce qui nous sépare de Dieu. Dans son humanité, Jésus aussi a besoin de s’inscrire en Dieu, c’est pourquoi il prie. Jésus est entré dans les eaux du baptême comme Jésus a prié, pour être totalement dans sa vocation.

2e thème : Le baptême dans l’Esprit

Dans sa prédication, le baptiseur disait que lui baptisait d’eau, mais que celui qu’il annonce baptisera dans l’Esprit saint. Et quand Jésus est baptisé, l’Esprit est descendu vers lui.

Le baptême par l’Esprit est annoncé par le prophète Ézéchiel qui met cette promesse dans la bouche du Seigneur : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique. » (Ez 36.26-27). L’Esprit et le souffle sont le même mot, et le mot cœur représente dans l’anthropologie biblique le siège de la pensée et de l’intelligence. La promesse du prophète réalisée dans le baptême de l’Esprit évoque une relation au Seigneur qui ne passe plus par le truchement de la loi, mais de l’écoute, de l’amour et de la liberté.

Pierre reprendra ce thème pour justifier le baptême d’un non-juif devant les chrétiens de Jérusalem qui lui en faisaient le reproche. (Ac 11.15-16)

3e thème : Le baptême, le signifiant et le signifié

La tension entre le baptême d’eau et le baptême dans l’Esprit peut nous aider à relativiser les débats sur le baptême au sein des Églises protestantes. Les Églises se sont divisées pour savoir s’il fallait baptiser enfant ou adulte, par immersion ou par aspersion. Mais dans les évangiles, le baptême d’eau est le signe qui renvoie au baptême dans l’Esprit. Donc la vraie question n’est pas de savoir à quel âge et sous quelle forme j’ai été baptisé, mais comment aujourd’hui je vis de, et dans l’Esprit de Dieu. Un jour j’ai été baptisé, mais le plus important est de savoir comment aujourd’hui je vis le signe de mon baptême.

Une illustration : Être baptisé

À propos du baptême, Péguy a dit qu’il n’y avait pas trop de toute une vie pour que l’eau qui a été versée sur notre tête (nous pourrions ajouter, l’eau dans laquelle nous avons été immergés) arrive jusqu’à nos pieds. Il n’y a pas trop de toute une vie pour que le signe du baptême – qui est en théologie la marque de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous – vienne habiter la totalité de notre existence.

Le jour de notre baptême, le Seigneur a déclaré : Tu es mon enfant bien-aimé. Comment aujourd’hui je vis cette filiation ? Comme le dit une liturgie de baptême : Nous avons été baptisés une fois, mais nous devons être continuellement baptisés par la foi, de telle sorte que la vie chrétienne ne soit jamais autre chose qu’un baptême quotidien.

Le texte de l’Apocalypse du dimanche 24 novembre

Apocalypse 1.5-8 – Jésus, l’alpha et l’oméga 

Le contexte – Le livre de l’Apocalypse 

À la fin du premier siècle, Jean, un disciple qui a une certaine autorité dans les Églises d’Asie, est à Patmos. Il fuit, ou il a été envoyé en exil, probablement à cause de Domitien qui est un tyran qui se prend pour Dieu et qui veut que tout lui soit soumis, non seulement les corps, mais aussi la pensée et les âmes de ses sujets. L’Empire romain est au sommet de sa puissance et l’Église est fragile. 

Les forces en présence sont disproportionnées. D’un côté l’empereur dont le pouvoir s’étend sur trois continents, qui a une armée puissante et organisée et dont la richesse n’a pas de mesure. De l’autre, une petite Église dont l’emblème est un agneau immolé. 

C’est dans ce contexte que Jean a une vision. Cette dernière est parfois embrouillée, mais son message est clair : l’agneau immolé est vainqueur du dragon et de la bête. 

Que dit le texte ? – L’alpha et l’Oméga

En ouverture de son livre, Jean envoie un message d’encouragement aux Églises en leur rappelant que si elles sont petites et opprimées, elles sont au service d’un Christ qui est grand. Pour cela, il multiplie les qualificatifs : il est le témoin fidèle – le premier-né d’entre les morts – le chef des rois de la terre – l’alpha et l’oméga – celui qui est, qui était et qui vient– le Tout-Puissant.

Nous pouvons dire trois choses sur ces appellations.

Jésus est le premier-né d’entre les morts. La résurrection est au commencement de l’histoire de l’Église. C’est à partir de cette expérience que les disciples ont compris que le Jésus qu’ils ont côtoyé était plus que ce qu’ils pensaient.

Il est le chef des rois de la terre, donc de tous les César du monde. L’Église est opprimée, elle n’est pas seule, ses oppresseurs ont un chef au-dessus d’eux qui leur demandera des comptes. 

Il est, il était et il vient, il parcourt les temps. Si les temps sont durs pour l’Église, elle est au service d’un Dieu qui est au-delà, ou en deçà des temps. L’Église est opprimée, mais la victoire de l’agneau immolé est certaine. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’Église et le monde

Dans l’évangile, après avoir affirmé que sa royauté n’était pas de ce monde, Jésus déclare qu’il a été envoyé pour rendre témoignage à la vérité. La mission de l’Église est donc de témoigner, en paroles et en actes, de cette vérité.

Elle peut être menacée, opprimée, écrasée, sa raison d’être ne dépend pas de ses succès ni de ses victoires au regard des hommes, mais de son témoignage. 

Jésus a été crucifié, mais il est le témoin véritable, ce qui fonde la mission de l’Église. 

Le livre de Daniel du dimanche 24 novembre

Daniel 7.13-14 – Jugement des nations 

Le contexte – Les visions du livre de Daniel 

La deuxième partie du livre de Daniel qui commence au chapitre 7 est constituée d’une série de visions dans un style apocalyptique généralement utilisé dans les époques de persécutions. 

La première vision évoque quatre bêtes qu’on peut associer aux différents empires qui ont dominé le Moyen-Orient à partir des Chaldéens. Un vieillard qui est une représentation de Dieu juge la première bête qui est vaincue et les autres qui sont dépouillées de leur puissance. 

Le jugement de Dieu a toujours été la grande espérance des peuples persécutés. Savoir que l’épreuve aura une fin et que les oppresseurs ne resteront pas impunis est un puissant soutien pour ceux qui sont dans la ­résistance.

Que dit le texte ? – Comme un fils d’homme

Je vis alors arriver, avec les nuées du ciel, quelqu’un qui ressemblait à un être humain. Le texte dit mot à mot comme un fils d’homme à qui est remis la domination sur les peuples, les nations et les langues… et sa domination durera à toujours. Dans la Bible l’expression Fils de l’homme est un titre messianique que Jésus reprendra à son compte dans les évangiles. 

Ce passage est une évocation messianique dans le style apocalyptique qu’il faut interpréter. Au-delà des images, ce texte dit deux choses.

Le fils d’homme vient de Dieu et sa venue – avec les nuées du ciel – ne dépend pas des humains. Dieu interviendra en son temps pour étendre sa domination sur le monde.

La domination du fils d’homme sera universelle – elle concernera tous les peuples, les nations et les langues et éternelle, son royaume ne sera jamais détruit. Elle sera au-delà des temps.

On comprend que Daniel soit troublé par une vision qui le dépasse dans le temps et dans l’espace, elle parle d’un Dieu qui est plus grand que les limites de notre vie. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le Christ roi

Le dernier dimanche de l’année liturgique est la fête du Christ roi et le texte de l’évangile qui lui est associé est le dialogue entre Jésus et Pilate autour de la notion de roi de Juifs, alors qu’il va être condamné à mort. L’association des deux textes interprète le titre de Fils d’homme qu’on trouve chez Daniel.

Jésus assume cette vision messianique, mais il la colore en l’associant à la croix. Comme chrétien, nous devons entendre que celui qui est arrivé sur une nuée pour étendre sa domination sur tout le monde est roi en mourant sur une croix. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Laurence Belling, Antoine Nouis