L’évangile du dimanche 29 décembre

Luc 2. 40-52 – La fugue de Jésus

Introduction

Le texte que nous méditons est le seul qui rapporte un événement de la vie de Jésus entre sa naissance et le commencement de son ministère 30 ans plus tard.

Ce silence sur sa vie à Nazareth jusqu’à l’âge de trente ans (Lc 3.23) laisse un vide qui a été comblé par les évangiles apocryphes. Nous devons respecter la discrétion des évangiles canoniques et nous souvenir que les évangiles ne sont pas une biographie, mais une bonne nouvelle et qu’ils ne parlent pas de ce qui n’est pas essentiel pour la compréhension de cette bonne nouvelle.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : le pèlerinage

Jésus a grandi à Nazareth, mais l’événement se situe à Jérusalem. La famille de Jésus a l’habitude de monter dans la ville sainte tous les ans pour la fête de la Pâque. Le voyage qui se vit en caravane met quatre à cinq jours pour aller jusqu’au temple, une façon de se souvenir de l’exode.

Le pèlerinage relève de la spiritualité du judaïsme qui, dans ses célébrations, a l’habitude de théâtraliser les grands événements pour mieux les intérioriser.

Titre : Le symbole des nombres 

L’épisode se situe lorsque Jésus a douze ans, ce qui est proche de l’âge où l’enfant atteint sa majorité religieuse. Jésus est dans l’âge où on commence à poser des questions. Le récit fonctionne un peu comme une étape dans l’enfance de Jésus au cours de laquelle il accède à la responsabilité.

Ce message se retrouve dans le fait que Jésus est retrouvé par ses parents le troisième jour. Dans la Bible, trois est le chiffre de Dieu. Encore une façon d’évoquer symboliquement la rupture de ce récit qui dit un Jésus qui est passé de l’autorité de ses parents à celle du Seigneur.

Pistes d’actualisation

1er thème : Il grandissait en sagesse

Le premier et le dernier verset de notre passage disent que Jésus grandissait en sagesse. Le verset 40 dit qu’il était remplissant de sagesse (le verbe est au participe présent) et le verset 52 qu’il progressait en sagesse. Ces deux versets font une inclusion qui inscrit le passage dans ce thème.

Selon le proverbe, le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur (Pr 1.7, Ps 111.10), mais la sagesse est aussi la récapitulation de toutes les qualités que Dieu a données aux humains : le bon sens, le discernement, l’intelligence des gens et des choses, la mesure… Les évangiles parlent de la sagesse de Jésus dans la parabole de l’homme qui construit une tour (Lc 14.28), mais aussi dans la façon dont il a répondu aux religieux qui voulaient lapider la femme adultère où à sa remarque sur Dieu et César qui a pris une valeur proverbiale.

La sagesse est l’association de la parole juste et du juste moment où il faut la dire.

2e thème : Jésus écoutait et interrogeait

Lorsque les parents de Jésus le retrouvent dans le temple, il est assis au milieu des maîtres les écoutant et les interrogeant. L’écoute et la question sont les deux fondements de l’étude dans le judaïsme. Il ne suffit pas d’apprendre un enseignement, il faut aussi le questionner pour se l’approprier.

À propos de la spiritualité du questionnement, un sage contemporain raconte : « Un de mes amis a obtenu le prix Nobel de physique. Quand je lui ai demandé comment il était parvenu à un tel résultat, il a répondu. « Quand j’étais enfant, mes parents ne m’interrogeaient jamais sur mes notes à l’école, ils me demandaient toujours : As-tu posé quelques bonnes questions aujourd’hui ? » ».

3e thème : Jésus et sa famille

Lorsque la mère de Jésus dit à Jésus : Ton père et moi nous te cherchions avec angoisse, Jésus répond avec une certaine insolence : Ne savez-vous pas que j’ai à faire chez mon père ? Il y a là un conflit de paternité entre le père humain et le père divin. Devenu adulte dans le domaine religieux, le père de Jésus n’est plus celui qui l’a élevé et qui lui a appris son métier, mais le Seigneur. Heureusement pour les familles humaines, la fin du passage évoque une autre relation lorsqu’il dit que Jésus était soumis à ses parents (v.51).

Cette tension rappelle les deux versets qui évoquent la relation d’un adulte à ses parents dans le Premier Testament : L’homme quittera son père et sa mère et : Tu honoreras ton père et ta mère. Jésus est à la fois dans la revendication de sa liberté et dans l’honneur qu’il doit à ses parents.

Une illustration

Lorsque Jésus répond à ses parents qu’il a à faire chez son père, le texte dit qu’ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait (v.50).

L’incompréhension par rapport à Jésus se retrouve chez les disciples dans cet évangile. Quand Jésus leur annonce la croix : Ils n’y comprirent rien ; le sens de cette parole leur restait caché ; ils ne savaient pas ce que cela voulait dire (18.34, voir 9.45). Une partie de l’évangile échappe à notre compréhension naturelle ou à notre sagesse, c’est pourquoi nous avons besoin de nous mettre à l’écoute de ce que disent les Écritures.

Lorsqu’à la fin de l’évangile, Jésus retrouvera des disciples sur le chemin d’Emmaüs, le texte dit qu’il leur ouvre l’intelligence pour comprendre les Écritures (24.45). Nous devons entendre que nous aussi avons besoin de laisser notre intelligence être éclairée par les paroles de l’Évangile.

Le texte de 1 Jean du dimanche 29 décembre

1 Jean 3.1-24 – La vérité de l’amour

Le contexte – La première épître de Jean

La première épître de Jean est un petit opuscule théologique qui s’adresse à une communauté en proie au doute face à des prédicateurs qui nient que Jésus est le Christ et qui refusent l’idée d’incarnation.

Face à ces dérives, l’auteur de l’épître souligne que Jésus est la vérité et qu’il est le don de Dieu qui nous appelle à vivre de et dans son amour : « Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères. »

Que dit le texte ? – La théologie de l’amour

Le passage proposé à notre méditation de ce petit traité de théologie dit trois choses.

Il oppose le péché et la justice. Quand il dit que quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché, il ne dit pas que les croyants sont toujours dans la justice (il dira à une autre occasion : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous »), mais que le péché a perdu son pouvoir sur lui. Si le péché est ce qui nous sépare de Dieu, nous restons unis à lui, même lorsque nous nous éloignons.

Le cœur de la foi chrétienne est l’amour du prochain. Celui qui n’aime pas est dans la mort alors que celui qui aime est passé de la mort à la vie. Les notions de mort et de vie dépassent leur simple compréhension biologique : être vivant, c’est vivre en Dieu pour son prochain, alors que celui vit replié sur lui-même est déjà mort.

Enfin la foi nous libère de toute culpabilité : « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout. » Encore une fois, cela ne signifie pas qu’au regard des commandements de Dieu, nous vivons dans la perfection, mais lorsque nous sommes en Dieu, nous nous savons aimés et nous savons que rien ne pourra nous séparer de son amour.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Jésus et les religieux

Le texte de Luc ne nous dit pas de quoi parlait Jésus avec les maîtres, mais nous pouvons supposer qu’il posait déjà les fondements de sa révolution religieuse qui fait de l’amour – l’amour que Dieu nous porte et l’amour du prochain – la clef de lecture l’ensemble de la Torah selon le verset qui dit que la compassion vaut mieux que les sacrifices. C’est cette nouvelle compréhension que Jésus ne va cesser de déployer tout au long des évangiles. 

L’enseignement de l’épître de Jean que nous avons relevé met en valeur les piliers de la lecture du Nouveau Testament qui relit l’ensemble de la tradition du Premier Testament à partir de ces principes.

Le livre de 1 Samuel du dimanche 29 décembre

1 Samuel 1.20-28 – Samuel confié à Éli

Le contexte – Le premier livre de Samuel

Le premier livre de Samuel évoque le passage entre le gouvernement des Juges et l’instauration de la royauté. 

Le livre des Juges décrit l’organisation du pays selon le principe de l’amphictyonie, une confédération très souple de tribus indépendantes. Lorsqu’un danger apparaissait, un juge se levait pour résoudre le problème, puis chacun retournait chez soi. Le livre des Juges évoque une dégradation progressive de la situation avec des juges de moins en moins vertueux.

Samuel est à la fois juge, prêtre et prophète, il sera celui qui sera chargé de mettre fin au système des juges en installant un roi en Israël.

Dans le livre de Samuel, le personnage qui porte son nom a reçu sa vocation dès sa naissance puisque sa mère avait fait le vœu de le confier à Éli, le prêtre de l’époque pour qu’il soit à son service. 

Que dit le texte ? – L’offrande du jeune garçon

Anne, la mère de Samuel, était stérile. Alors qu’elle était dans un sanctuaire, elle a fait un vœu : « Si tu me donnes une descendance, à moi qui suis ta servante, je le donnerai au Seigneur pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête. » Le même ordre avait été donné à la mère de Samson, mais les commentaires soulignent qu’il est contraire à la Torah pour qui les vœux sont temporaires. De fait Samson s’est souvent comporté comme un gros nigaud ne sachant que faire de sa force. Il est en outre difficile de faire un vœu pour un autre, même si c’est son enfant.

Lorsque Anne remet son enfant au prêtre, elle dit qu’elle cède à la demande du Seigneur alors que ce n’est pas le Seigneur qui a demandé à Anne de consacrer son enfant, c’est elle qui l’a fait.  

On comprend que Anne qui se sentait humiliée par sa stérilité, mais on peut aussi porter un regard critique sur son attitude qui relève plus d’un archaïsme religieux marchand que d’une approche biblique.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Jésus au temple

Le lectionnaire fait le rapprochement entre l’attitude de Samuel et celle de Jésus qui est resté au temple à discuter avec les maîtres, sauf que dans l’épisode de l’évangile, Jésus a douze ans, ce qui est l’âge de la majorité religieuse. Lorsque Jésus répond à ses parents : « Ne saviez-vous pas que j’ai à faire chez mon Père », il évoque le passage de la paternité terrestre – celle de Joseph – à la paternité divine.

Contre le lectionnaire, on peut porter un regard critique sur l’attitude d’Anne, qui même si elle est exemplaire de générosité, relève d’une pathologie religieuse de vouloir donner à Dieu plus que ce qui est demandé. On est encore dans les catégories religieuses du Premier Testament qui seront dépassées par l’Évangile.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Christine Pedotti, Antoine Nouis