12.11.2023 : Mt 25.1-13 – Les dix vierges
Tenir sa lampe allumée
Introduction
Le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu suit le chapitre 24 qui décrit la venue du Christ à la fin des temps et qui se termine par une parabole qui appelle à rester fidèle dans sa responsabilité de disciple(Mt 24.45-46).
Les trois paraboles du chapitre 25 poursuivent le raisonnement : Que faire en attendant la venue du Christ ? Veillez (paraboles des dix vierges : Mt 25.1-13). Oser son talent (parabole des talents : Mt 25.14-30). Prendre soin des petits (parabole du jugement des nations : Mt 25.31-46).
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Les vierges
La parabole parle de vierges. Dans le Nouveau Testament, le thème du mariage, de l’épouse, est souvent utilisé pour évoquer les relations du Christ à son Église. Dans la première Église, les « vierges » étaient des personnes consacrées qui avaient une fonction particulière.
La parabole ne parle pas des invités en général, mais de vierges. Nous pouvons l’actualiser en parlant des personnes qui ont une responsabilité dans l’Église.
L’huile
La parabole parle d’huile. L’huile était utilisée comme aliment, mais aussi combustible pour éclairer, comme médicament pour soigner les plaies (Lc 10.34) ou comme onguent pour la beauté.
On ne doit pas s’étonner que l’huile soit utilisée comme image pour évoquer l’Esprit. L’huile dont parle notre parabole apporte de la lumière, mais elle soigne et elle embellit.
Pistes d’actualisation
1er thème : L’appel à la veille
La parabole se termine par un appel à veiller. Pourtant toutes les vierges, les folles comme les sages, se sont endormies. Une sentence attribuée à saint Augustin déclare : « Lorsque nous dormons, notre foi, notre espérance et nos œuvres veillent pour nous. » Il y a donc le bon et le mauvais sommeil.
Le bon, c’est le sommeil de confiance du juste, c’est le sommeil de Jésus qui dort lorsque le navire dans lequel il se trouve affronte la tempête (Mc 4.38). C’est le sommeil de Luther qui disait : « Le soir, je vais dans ma chambre et je jette les clefs aux pieds de mon Seigneur Dieu en lui disant : Seigneur, c’est ton affaire et non la mienne. »
À l’inverse le mauvais sommeil, c’est le sommeil de la fuite, le sommeil de Jonas qui se cache dans la tempête (Jon 1.5), le sommeil des disciples qui ne peuvent veiller avec le Christ à Gethsémané (Mt 26.40). Le sommeil des vierges folles qui sont insouciantes.
2e thème : Surveiller son huile
Dans une voiture, nous devons régulièrement surveiller le niveau d’huile. S’il en manque, il faut en rajouter si on ne veut pas couler une bielle ; et si elle est trop sale, il est temps de faire la vidange et de changer toute l’huile du moteur. Comme de notre voiture, nous devons régulièrement surveiller la jauge d’huile de notre foi.
Un apologue d’un père du désert remarque qu’une lampe qui n’a pas reçu sa ration d’huile finit par s’éteindre, et sa lumière laisse la place à l’obscurité. Il ajoute que parfois une souris vient à grignoter la mèche et renverse la lampe. Comme elle est en argile la lampe se casse.
Il conclut en alertant : « Lorsqu’un homme ne prend pas soin d’entretenir la flamme de son âme, en lui la chaleur de l’Esprit se fait très faible. Il arrive que l’ennemi le mordille, puis le renverse. »
3e thème : Comment garder son huile
L’huile fournit la lumière qui permet d’éclairer une situation. Ne plus avoir d’huile, c’est se laisser conduire par l’habitude, faire comme on a toujours fait.
Charles Péguy a écrit : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse, c’est d’avoir une âme habituée. » Pendant longtemps, je n’ai pas été d’accord avec cette citation car je sais le mal que peut faire une âme perverse. Et puis j’ai écouté Péguy me dire : « Une âme perverse peut faire beaucoup de mal, mais une âme habituée, c’est pire. » L’âme habituée est pire que l’âme perverse car elle édulcore et pervertit l’Évangile.
Garder son huile, c’est ne jamais s’habituer à l’évangile, mener le combat de la lutte contre la dégradation de l’étonnement.
Une illustration : La faute de Moïse
Un exemple biblique nous montre que même Moïse n’a pas su rester éveillé à la nouvelle donne qui se présentait devant lui.
Alors que le peuple avait soif, Moïse a frappé le rocher alors que Dieu lui a demandé de lui parler ! (Nb 20.8-12). Moïse s’est souvenu que quarante ans plus tôt, juste après la traversée de la mer, Dieu lui avait demandé de frapper le rocher pour en faire sortir de l’eau (Ex 17.6). C’est justement là que réside la faute de Moïse, il n’a pas compris qu’à circonstances différentes il devait répondre par une attitude différente.
Au moment de la sortie de l’esclavage, le peuple était dans l’économie religieuse du miracle, c’est pourquoi ce dernier s’est manifesté en coupant la mer, en envoyant la manne et en fournissant l’eau du rocher. Quarante ans plus tard, au moment où il se prépare à entrer en terre promise, Dieu est en train de faire passer son peuple de l’économie du miracle à celle de la parole. L’économie du miracle est symbolisée par le bâton magique qui a permis au peuple de se libérer de la servitude, mais elle n’a qu’un temps. Il faut maintenant que le peuple apprenne à devenir adulte et à s’organiser par la parole plus que par le prodigieux.
Parce qu’il n’a pas tenu sa lampe allumée et qu’il n’a pas compris la nouveauté de ce qui lui était demandé, ce n’est pas Moïse qui conduira le peuple en terre promise.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis