26.03.2023 : Jn 11.1-45 – Le relèvement de Lazare

Quelle parole face à nos morts ?

Introduction

Le relèvement de Lazare du tombeau quatre jours après sa mort est le miracle le plus spectaculaire des évangiles. Le dernier verset de notre séquence dit que beaucoup de ceux qui ont assisté à l’événement ont cru à Jésus, mais dans la conséquence suivante, les religieux se réunissent pour parler de la façon de le faire mourir. En ramenant Lazare à la vie, Jésus a précipité sa propre mort.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le juste moment

Le quatrième évangile évoque à plusieurs reprises la question du juste moment. Jésus dit à plusieurs reprises que son heure n’est pas encore venue, jusqu’au moment où il déclare que l’heure est venue de passer de ce monde au père (Jn 13.1). Nous retrouvons cette idée du temps juste dans notre passage. Après avoir reçu la nouvelle de la mort de Lazare, il attend deux jours, puis il prend la décision de se rendre à Béthanie pour marcher vers la lumière.

Il a fallu deux jours à Jésus pour prendre sa décision, deux jours pour savoir ce qu’il devait faire devant la maladie de son ami et quel était le bon moment.

Les larmes de Jésus

Notre traduction dit que Jésus fondit en larmes. Les textes qui évoquent les émotions de Jésus sont rares. Jésus a dit qu’il allait relever Lazare d’entre les morts, mais il est gagné par la tristesse du deuil et la gravité de la situation.

Toutes les traditions spirituelles ont accordé une attention particulière aux larmes. Selon une interprétation des psaumes, David pleurait une tasse de larmes par jour, et selon la kabbale, les larmes permettent de hâter la venue du Messie ou d’ouvrir la lecture d’un texte dont la compréhension est fermée.

Pistes d’actualisation

1er thème : Questions de deuil

Lorsque Marthe, puis Marie, vont trouver Jésus, elles ont la même réaction : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! (v.21 et 32). Cette attitude, courante dans les deuils, est celle de la tyrannie des « si » : On se demande toujours ce qu’on aurait pu faire de plus pour éviter le drame.

Jésus répond à Marthe que son frère se relèvera d’entre les morts. Le verbe est celui de la résurrection, si bien que d’autres traductions disent ton frère ressuscitera. Jésus détourne Marthe et Marie de leurs regrets pour orienter leurs pensées vers l’espérance. 

Face à nos deuils, nous sommes appelés à demeurer des témoins de la résurrection, c’est-à-dire de la vie dans une ambiance de morts.

2e thème : La résurrection hier et aujourd’hui

Lorsque Jésus dit à Marthe que son frère ressuscitera, elle répond qu’il se relèvera à la résurrection, au dernier jour. Jésus lui répond en ne parlant plus du dernier jour, mais de leur aujourd’hui : C’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi, même s’il meurt, vivra.

La résurrection est une espérance pour l’au-delà de notre existence, mais c’est avant tout une réalité que nous sommes invités à accueillir dans l’aujourd’hui de notre temps. C’est aujourd’hui que nous devons choisir la vie même au milieu de nos morts.

Lorsque Paul parle de nos deuils dans l’épître aux Thessaloniciens, il déclare : Nous ne voulons pas… que vous ne vous attristiez pas comme les autres, qui n’ont pas d’espérance (1 Th 4.13). Il ne dit pas que nous ne sommes pas tristes, mais que notre tristesse est différente, car elle est traversée par l’espérance de la résurrection.

3e thème : Celui qui croit en moi ne mourra pas

Lorsque Jésus déclare que celui qui croit en lui ne mourra pas, il faut bien sûr entendre cette parole au niveau symbolique. Il ne parle pas de l’espoir d’une hypothétique immortalité, nous savons que notre vie est courte et qu’un jour elle s’arrêtera. Quand la Bible parle de résurrection, elle ne parle pas d’une absence de mort, mais d’un au-delà de la mort.

Jésus ne parle pas d’espoir, mais d’espérance qui relève d’un autre registre. Elle n’est pas la conviction que les choses vont bien tourner, mais la certitude qu’il y a une expérience à vivre et une présence à accueillir en toute situation.

Nous pouvons associer cette parole à la notion de vie éternelle que Jésus définit ainsi dans sa prière : La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu (Jn 17.3). La vie éternelle, ce n’est pas la vie perpétuelle, mais l’assurance que notre vie est inscrite dans l’éternité de Dieu. En cela, ce que nous vivons relève de l’éternel et ne mourra pas.

Une illustration : Jésus pleura

Dans une légende rabbinique, lorsque Adam et Ève ont été expulsés du jardin d’Éden, ils sont allés voir Dieu et lui ont dit : « Tu ne peux pas nous laisser tout seuls comme ça, dans un monde si grand et si dangereux. Qu’allons-nous devenir ? » Dieu a eu compassion de ses créatures et leur a dit : « Je sais que des jours très rudes vont venir sur vous, mais sachez que je vous aime et que rien ne vous manquera. C’est pourquoi je vais sortir pour vous de mon Trésor une perle. La voici : C’est une goutte d’eau. Quand vous rencontrerez une catastrophe et quand vous vivrez une grande émotion, cette goutte d’eau sortira de vos yeux et coulera sur votre joue. Vous saurez que je suis avec vous et vous serez consolés, vous serez réchauffés, vous serez apaisés. » Les yeux d’Adam et Ève commencèrent à verser des larmes de repentance. Elles ont roulé sur leurs visages, elles sont tombées à terre et ont humecté la surface du sol. Adam et Ève ont laissé en héritage à leurs enfants et à leurs descendants jusqu’à la fin des temps le pouvoir de verser des larmes.

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Amos-Raphaël Ngoua Mouri, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, pour discuter de Jean 11, 1-45 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/jesus-et-son-ami-lazare/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis