À l’occasion du colloque consacré à France Quéré à l’Institut protestant de théologie, une table ronde de l’après-midi a exploré un versant parfois controversé de son œuvre : sa manière de penser les femmes et le féminisme. Loin d’un exercice purement historique, la discussion a montré combien ses textes continuent de déplacer les lignes, y compris pour les féministes d’aujourd’hui.
Autour de la table, trois théologiennes et pasteures :
- Céline Rohmer, pasteure de l’Église protestante unie de France, docteure en théologie et en études grecques et latines, professeure de Nouveau Testament à l’IPT de Montpellier, bientôt pasteure à Paris (paroisse Pentemont-Luxembourg).
- Claire des Ménards, pasteure à Saint-Quentin, membre du groupe Oris issu du Mouvement Jeunes Femmes, engagé sur les lectures féministes de la Bible.
- Elisabeth Parmentier, pasteure de l’Église protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine, professeure de théologie pratique à l’Université de Genève, spécialiste des théologies féministes et co-initiatrice de Une Bible des femmes.
Partant du livre La femme à venir (1976), Elisabeth Parmentier a montré comment France Quéré se situe à la fois à distance du féminisme radical des années 70 et du patriarcat classique. Elle critique Simone de Beauvoir et le MLF quand ils semblent mépriser la maternité ou les tâches domestiques, mais refuse tout autant qu’on assigne les femmes à un rôle subalterne. Elle parle de « féminisme total » et plaide pour que chaque femme puisse suivre sa propre vocation, qu’elle soit professionnelle, familiale… ou les deux. Sa fameuse « nature féminine attirée par la vie » n’est pas un catalogue de qualités “douces”, mais une manière de dire l’intensité du désir, la radicalité de l’engagement.
Claire d es Ménards a rappelé combien ce langage de la “nature féminine” peut heurter les féminismes actuels, notamment dans le groupe Oris, tout en reconnaissant que France Quéré a puissamment déconstruit des lectures sexistes de la Bible et mis en valeur les femmes de l’Évangile comme sujets à part entière. Son féminisme, moins doctrinal qu’existentiel, naît d’une écoute fine des situations concrètes de femmes et d’une obsession : la liberté… et le bonheur réel des intéressées.
Céline Rohmer, enfin, a insisté sur la figure de France Quéré autant que sur ses textes : une femme théologienne, à la plume poétique, capable d’écrire une théologie habitée par l’émerveillement, la diversité et la transcendance assumée. Plus qu’un “système féministe”, elle lègue un modèle de femme de foi, libre de ton, engagée dans l’Église et dans le débat public.
En filigrane, toutes trois ont esquissé ce que France Quéré pourrait encore nous dire aujourd’hui : la nécessité d’une troisième voie – ni patriarcat, ni guerre des sexes – faite de réciprocité, de fraternité et de service mutuel, où femmes et hommes apprennent ensemble à « réhabiliter la vie et l’amour plutôt que la conquête ».
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Carolonie Bauer, Claire des Mesnards, Elisabeth Parmentier, Céline Rohmer
Technique : Frog Connexion, Paul Drion, David Gonzalez, Horizontal pictures, Alban Robert
