« Cela fait trente ans que France Quéré est décédée. Qu’a-t-elle encore à nous dire aujourd’hui ? » C’est autour de cette question que Caroline Bauer, secrétaire nationale pour la formation dans l’Église protestante unie de France, et le théologien Stéphane Lavignotte ont bâti le colloque France Quéré : une foi vive, une pensée libre, organisé le vendredi 28 novembre 2025 à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.
Une journée de rencontres et de réflexion, co-portée par la revue Foi & Vie, pour revisiter la fécondité d’une pensée à la fois spirituelle, éthique et poétique.
Née à Montpellier, formée aux lettres et à la théologie, France Quéré fut à la fois journaliste, conférencière et essayiste. Son œuvre se déploie à la croisée de l’exégèse biblique et de l’engagement intellectuel. Pour Caroline Bauer, « ce qui frappe, c’est la cohérence entre sa vie et sa pensée : elle a vécu ce qu’elle écrivait, et écrit ce qu’elle vivait ».
Sa foi se construit dans l’écoute de la souffrance, au croisement du doute et de la compassion. « France Quéré a découvert le Christ comme celui qui accompagne la douleur humaine, non pas dans la fuite ou la consolation facile, mais dans une proximité aimante », poursuit Caroline Bauer. De là naît ce qu’elle appelle une théologienne aimante : une intelligence du lien, une manière de transformer « la distance entre moi et l’autre en espace où la grâce peut circuler ».
Cette éthique de la relation irrigue toute son œuvre, depuis Les femmes de l’Évangile jusqu’à La femme à venir. Dans ces livres pionniers, elle relit la Bible à hauteur de femme, révélant le rôle spirituel et prophétique de celles qui accompagnent le Christ. « Elle reconnaît aux femmes une fidélité singulière, une manière de révéler Dieu par le geste et la présence », souligne Caroline Bauer. Une lecture novatrice pour les années 1980, devenue aujourd’hui une référence.
Féministe avant l’heure ? Oui, mais d’un féminisme singulier. France Quéré défend un différentialisme fécond : la reconnaissance de l’altérité homme-femme comme lieu d’enrichissement mutuel. « Elle refusait le conflit des sexes et cherchait à vivre ensemble les contradictions », rappelle Caroline Bauer. Un appel à la réconciliation plus qu’à l’opposition.
Cette pensée, ancrée dans la vie, trouve encore un écho dans les débats contemporains sur la famille, la filiation, la justice sociale et la responsabilité écologique. « Elle croyait à la force du service et à la dignité du plus petit », ajoute Caroline Bauer. « Dans la rencontre, elle faisait grandir ses interlocuteurs ; c’était sa manière de servir Dieu : en révélant la grandeur de l’autre. »
Le colloque du 28 novembre ne cherchera donc pas à célébrer une figure figée, mais à rouvrir un dialogue. France Quéré, écrivaine de la grâce et de la fragilité, n’appartient pas seulement au passé : elle demeure une voix inspirante pour penser l’humain, entre foi et liberté.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Caroline Bauer
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Paul Drion, Horizontal pictures
