11.12.2022 : Matthieu 11.2-11 – Qui était Jean ?

Jean et Jésus

Introduction

La première partie de l’évangile de Matthieu dessine à plusieurs reprises l’articulation entre Jean et Jésus. La semaine dernière, nous avons vu que Jean baptisait d’eau, mais qu’il annonçait celui qui baptisera dans l’Esprit saint et le feu. Au chapitre 4, on apprend que Jean a été livré, ce qui provoquera le commencement du ministère public de Jésus. Dans ce passage, Jean s’interroge sur la personne de Jésus et au chapitre 14, on apprendra les raisons de son martyr.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Les doutes de Jean

Jean avait annoncé la venue d’un Christ qui a sa fourche à la main, qui nettoie son aire en recueillant le blé dans la grange et en brûlant la paille dans le feu qui ne s’éteint pas. Jean est arrêté pour la radicalité de sa prédication et on sent qu’il est déçu par l’attitude de Jésus. Dans les passages qui précèdent, il entend parler d’un homme qui guérit les serviteurs des Romains, les femmes impures et qui partage la table des pécheurs (Mt 8.5-13, 9.20-22, 9.10). Il se demande s’il ne s’est pas trompé. On peut ajouter qu’étant en prison pour des raisons injustes, il est plus intéressé par un messie qui impose la justice que par un messie qui accueille les marginaux.

La bonne attitude de Jean

En envoyant ses disciples interroger Jésus, Jean a la bonne attitude. Au lieu de ruminer ses doutes ou de s’enfermer dans ses propres idées, il fait preuve d’une saine curiosité spirituelle, ce qui est la façon la plus juste d’aborder une question.

La question de Jean est pour nous une façon d’évoquer l’avent. Dire que Dieu vient, c’est dire que nous devons nous préparer à l’accueillir dans des catégories différentes de celles de nos habitudes. Comme Jean, laissons-nous surprendre par l’évangile.

Pistes d’actualisation

1er thème : Ésaïe

Jean posait la question de l’interprétation des œuvres de Jésus, ce dernier répond en les mettant en lien avec différents textes d’Ésaïe (Es 29.18-19, 35.5-6, 61.1). Dans l’évangile de Luc, Jésus s’était déjà appuyé sur Ésaïe pour évoquer son ministère dans la synagogue de Nazareth (Lc 4.18-19).

Avec celui des Psaumes, le livre d’Ésaïe est celui qui est cité le plus grand nombre de fois dans les évangiles. Le livre d’Ésaïe a la particularité de s’inscrire dans un temps long puisqu’il évoque la chute de Samarie (722) et le siège de Jérusalem par les Assyriens (701), l’exil des Israélites à Babylone (587) et le retour des exilés suscité par le roi perse Cyrus dans les années 530, puis l’installation à Jérusalem. Il évoque l’effondrement des royaumes d’Israël et de Juda et la reconstruction en exil. Ce mouvement est à l’image de l’évangile qui opère aussi un changement de catégorie religieuse.

2e thème : Qui était Jean ?

Jean n’a pas pleinement compris le ministère de Jésus, pourtant ce dernier déclare qu’il est un prophète, et même plus qu’un prophète. Le prophète est celui qui voit ce qui vient, qui est capable de faire venir la parole divine. Mais Jean est plus qu’un prophète, il est le messager qui prépare le chemin. Cette citation se trouve dans le livre de Malachie, le dernier livre du Premier Testament dans nos bibles chrétiennes et qui se termine par l’annonce du retour d’Élie (Ml 3.23). Jésus dira au verset 14 que Jean est l’Élie qui doit venir

En disant que Jean est Élie, Jésus valide son ministère et ouvre l’histoire sur le temps nouveau représenté par l’Évangile.

3e thème : Jean et Jésus

Après avoir déclaré que Jean est le plus grand, il affirme que le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Jean est grand dans l’ordre du jugement, mais l’évangile opère un saut qualitatif en parlant des aveugles qui voient, des sourds qui entendent et d’un évangile qui est annoncé aux petits.

Plus qu’une parole de jugement, l’évangile est une parole de guérison et de libération. Le programme de l’évangile est celui des béatitudes qui parlent d’un royaume qui appartient aux pauvres de cœurs et aux persécutés, aux artisans de paix, aux miséricordieux et aux affamés de justice.

Une illustration : Ne pas se tromper de Dieu

Au début de l’évangile de Matthieu, Jésus déclare :  Beaucoup me diront en ce jour-là : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas par ton nom que nous avons parlé en prophètes, par ton nom que nous avons chassé des démons, par ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? » Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais connus ; éloignez-vous de moi, vous qui faites le mal ! » (Mt 7.22-23)

À la fin de ce même évangile, il déclare : J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; j’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir (Mt 25.35-36).

La plus sûre façon de trouver le Christ, ce n’est pas de chasser les démons et de faire des miracles, mais de donner à manger aux affamés, visiter les malades et les prisonniers, recueillir les étrangers.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis