Gérard Rouzier est comédien, mais son travail dépasse le simple jeu théâtral. Avec la Compagnie du Sablier, qu’il a fondée, il anime des ateliers singuliers : « dire la Bible ». Loin de la récitation ou du théâtre, il s’agit de s’approprier intimement un texte biblique, de le « manger » au point qu’il devienne parole personnelle, puis de le donner à entendre dans sa simplicité. Ces ateliers, souvent organisés dans les paroisses, offrent une expérience spirituelle et artistique forte : silence, intériorité, répétition des mots, écoute de ce qu’ils font résonner. Résultat, selon les participants : une parole qui « touche au cœur ».

Mais Gérard Rouzier n’est pas seulement pédagogue. Depuis plus de vingt ans, il incarne Vincent van Gogh dans un spectacle marquant, Van Gogh, la quête absolue, récemment repris au Théâtre de l’Épée de Bois à la Cartoucherie. Le comédien se concentre sur la première partie de la vie de l’artiste, celle où Van Gogh, avant d’être peintre, voulait être évangéliste dans le Borinage. Dans ce rôle, Gérard Rouzier retrouve ses propres obsessions : dire l’Évangile, explorer la foi, rendre la parole vivante.

Le parallèle entre le feu spirituel du prédicateur et l’ardeur du peintre s’impose. Van Gogh donnait tout, jusqu’à ses vêtements, pour partager l’espérance aux mineurs miséreux. Rejeté pour son intransigeance, il s’engage ensuite dans la peinture avec la même ferveur. Pour Rouzier, la passion est identique : qu’il s’agisse de prêcher ou de peindre, il s’agit de transmettre un feu intérieur. Ses lettres en témoignent : l’art n’est pas simple imitation, mais dévoilement de ce qui brûle au-dedans.

Sur scène, le texte de Van Gogh continue de bouleverser. « Ce qu’il a dit, ce qu’il a fait concerne tout le monde, et en particulier les artistes », confie Gérard Rouzier. Dans ses lettres, Van Gogh écrit qu’« aimer beaucoup » est le meilleur moyen de connaître Dieu. Une phrase qui, selon le comédien, résume l’essentiel de la foi comme de l’art.

Après des décennies à le jouer, Gérard Rouzier parle de Van Gogh comme d’un compagnon. « Ses mots ne prennent pas une ride », dit-il. Et le public ne s’y trompe pas : nombreux sont ceux, notamment les jeunes artistes, à sortir bouleversés, touchés à l’intime. Preuve que le feu de Van Gogh, hier spirituel et aujourd’hui artistique, continue d’éclairer bien au-delà des toiles.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Gérard Rouzier
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Quentin Sondag, Horinzontal Pictures