Sorti début octobre, le docu-fiction Sacré-Cœur défie tous les pronostics : plus de 300 000 entrées en quelques semaines, là où les producteurs en espéraient à peine 20 000. Un succès inattendu, révélateur d’un retour du spirituel dans l’espace public. Jean-Luc Mouton, journaliste et ancien directeur de Réforme, y voit un phénomène à la fois déroutant et significatif.
« La salle était pleine », raconte-t-il, encore surpris par l’affluence dans un petit cinéma de province. Mais dès les premières images, le ton est donné : un Jésus hyperréaliste, des visions mystiques, un cœur sanglant offert au monde… « Pour un protestant de base, c’est presque insupportable », concède Jean-Luc Mouton. Ce mélange de sentimentalisme mystique et de grandiloquence visuelle heurte une sensibilité marquée par la sobriété de la foi réformée.
Pourtant, au-delà du spectaculaire, quelque chose retient son attention : la sincérité des témoignages. Le film donne la parole à des hommes et des femmes d’aujourd’hui, jeunes ou âgés, racontant leur expérience spirituelle. Derrière la mise en scène baroque du Sacré-Cœur, Mouton perçoit un besoin profond de sens, une quête de foi incarnée : « C’est cela qui marque aujourd’hui, plus que tout le discours religieux. »
Faut-il y voir un objet politique, comme certains l’ont suggéré ? Le journaliste s’en défend : Sacré-Cœur appartient d’abord à la mouvance charismatique catholique, « faite de ferveur, de chants, de gestes », proche par certains aspects du monde évangélique. Il n’y a pas, selon lui, de message partisan, mais plutôt un appel à renouer avec l’expérience du divin.
En filigrane, Jean-Luc Mouton pose une question qui vaut aussi pour les protestants :
et si, à force de dépouiller la foi de tout mystère et de tout symbole, nous avions perdu une part de sa puissance d’évocation ?
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Jean-Luc Mouton
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Paul Drion
