Une histoire commune et distincte

La franc-maçonnerie moderne trouve ses origines en Angleterre et est officiellement fondée le 24 juin 1717, soit 200 ans après la Réforme. Ce mouvement naît dans un contexte de guerres de religion et est marqué dès ses débuts par des figures protestantes, comme Jean Théophile Désaguliers, fils d’un pasteur rochelais, et James Anderson, un autre pasteur calviniste, qui rédige les nouvelles constitutions maçonniques en 1721. Ces règles, qui incluent la croyance en Dieu et la liberté religieuse, fondent la franc-maçonnerie moderne.

En 1725, la franc-maçonnerie est introduite en France par des partisans anglais des Stuart. Rapidement, les premières loges se multiplient, accueillant de nombreux membres étrangers. Pour les protestants, ces loges représentent un espace de sociabilité et d’intégration, un refuge où ils peuvent se retrouver entre gens partageant des valeurs communes.

L’Évolution de la franc-maçonnerie

La franc-maçonnerie connaît une évolution significative au fil des siècles. Dans les années 1740, une dizaine de loges existe à Paris et une quinzaine en province, ouvertes à toutes les confessions. Cependant, autour des années 1750, la franc-maçonnerie française commence à se libéraliser, devenant moins centrée sur la religion. Cette évolution se reflète dans les dossiers d’admission de l’époque, où la mention de la religion devient secondaire voire inexistante.

La Révolution française voit un grand nombre de députés protestants et francs-maçons, tels que Antoine Court de Gébelin, Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne, et d’autres figures importantes. Après un léger déclin sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, la franc-maçonnerie reprend son importance sous le Second Empire et s’identifie de plus en plus à la République, adoptant des tonalités anticléricales.

Les courants maçonniques et leurs différences

Il existe deux grandes familles de la franc-maçonnerie : la franc-maçonnerie régulière, qui reste fidèle à ses origines anglaises et représente environ 90 % de la franc-maçonnerie mondiale, principalement dans les pays protestants ; et la franc-maçonnerie libérale et adogmatique, née en France et présente dans des pays comme la Belgique, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Cette dernière se caractérise par son opposition à l’Église catholique et par son engagement dans la séparation de l’Église et de l’État.

En France, cette division se manifeste par une franc-maçonnerie diverse, tolérante et ouverte, qui ne présume pas que des convictions fortes doivent être imposées aux autres. Cette tolérance est très caractéristique de la mentalité protestante.

Tensions et compatibilités

L’histoire de la franc-maçonnerie est marquée par des critiques et des tensions, particulièrement avec l’Église catholique. Les protestants, notamment les évangéliques, ont parfois vu dans la franc-maçonnerie une organisation incompatible avec leurs croyances. Par exemple, l’Église méthodiste libre interdit à ses membres de faire partie de la franc-maçonnerie.

Cependant, en dépit de cette hostilité, les protestants demeurent surreprésentés dans la franc-maçonnerie française, avec des pasteurs, des professeurs de théologie et des responsables d’associations protestantes parmi ses membres. Cette double appartenance ne présente aucune contradiction pour beaucoup, car la franc-maçonnerie française reste diverse et ouverte à la différence.

En somme, les relations entre protestants et francs-maçons sont complexes, marquées par des affinités historiques et des divergences doctrinales. La franc-maçonnerie continue de jouer un rôle significatif en tant qu’espace de sociabilité et de réflexion intellectuelle, tout en naviguant entre tradition et modernité.


Production : Fondation Bersier
Réalisation : Hélène Masquelier, Damien Guillaume
Intervenants : Yves Hivert-Messeca, Roger Dachez