Martin Stephens : « Ce qui nous fait humain naît toujours aux marges »
Avec Ce qui nous fait humain. Une métaphysique des marges (Desclée de Brouwer, 2025), le philosophe Martin Steffens propose une réflexion profonde sur l’humanité, toujours en construction et en risque de se défaire. Pour lui, l’humain se comprend mieux en observant ce qui est rejeté : les marges.
La marge comme miroir de nos exclusions
« La marge, c’est ce qui interroge la manière dont nous construisons notre horizon commun », explique-t-il. Toute communauté se définit par un dedans et un dehors : nation, religion, famille. Mais cette unité, en se formant, exclut toujours quelqu’un. C’est ce geste discriminant qui structure l’histoire humaine, qu’il s’agisse de la distinction entre l’homme et l’animal ou de la relégation de certains semblables à une forme d’animalité.
Les camps, révélateurs de l’inhumain
Le livre explore cette dynamique à travers des pages marquantes consacrées aux camps de concentration. Steffens s’appuie sur Primo Levi, Robert Antelme et Giorgio Agamben pour montrer que la véritable figure de l’inhumain dans les camps n’était pas seulement le bourreau, mais aussi le « musulman » : ce détenu réduit au pur instinct vital, méprisé par ses pairs. Reconnaître en lui le visage même de l’humanité aurait été une révolution éthique.
Vivre dans l’éveil permanent
L’essai invite alors à un éveil permanent. Car croire être « définitivement réveillé » serait une illusion : l’humanité s’endort dès qu’elle ne s’interroge plus sur ses exclusions. Steffens met en garde contre les porteurs de sens absolu – idéologies, nationalismes, systèmes politiques – qui justifient les pires violences au nom d’un rêve collectif.
Un humanisme chrétien revisité
La conclusion, poétique et spirituelle, ouvre une autre perspective : accueillir chaque jour comme un don. Penser devient alors remercier, se tenir dans la gratitude et l’éveil, reconnaître que nous avons d’abord été accueillis par d’autres pour pouvoir exister. Un humanisme chrétien revisité, qui fait de l’attention aux marges une clé d’espérance.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Martin Steffens
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures