Au Festival protestant du livre, Marion Müller-Collard rappelle avec finesse à quel point l’écriture, le livre et la tradition protestante entretiennent des liens organiques. Pour elle, participer à une telle manifestation relève presque de l’évidence : « C’est l’histoire d’une influence réciproque entre l’esprit du protestantisme et le livre. » Dans ce rendez-vous annuel qui rassemble auteurs, lecteurs et éditeurs, elle voit moins une célébration élitiste qu’un lieu vivant de circulation des idées et de retrouvailles fraternelles.

Interrogée sur l’expression « femme de lettres », l’autrice esquive avec modestie. Elle lui préfère l’image plus modeste et plus juste d’une « artisane des mots » : un travail manuel, attentif, qui englobe autant l’écriture que tout le processus éditorial. À travers son engagement dans la collection Qu’est-ce que ça change ? aux éditions Labor & Fides, elle défend une approche où la transmission ne consiste pas d’abord à remplir une tête, mais à poser les enjeux. « Si ça ne change rien, pourquoi s’y intéresser ? » demande-t-elle. Le livre devient alors un espace paradoxal, à la fois profondément libre — on peut l’ouvrir, l’abandonner, le déchirer, le relire à l’envers — et profondément habité par des voix multiples. Un lieu de « communion solitaire » où la souveraineté du lecteur n’annule jamais la rencontre.

Pour Marion Müller-Collard, écrire n’est pas un geste technique. « Écrire, c’est un certain rapport au monde », dit-elle, une manière d’habiter la réalité, d’observer, d’être poreuse à ce qui advient. Une disposition intérieure autant qu’une position éthique. Elle raconte avoir compris très jeune qu’elle appartenait à « cette espèce-là », celle des conteurs et des tisserands de mots. Écrire n’a pas changé sa vie : cela est sa vie. Une manière quotidienne de se lever, d’inventer, de donner forme à ce qui travaille le cœur humain.

Cette conviction, presque anthropologique, irrigue tout son travail : nos histoires façonnent notre manière d’être au monde — et peut-être aussi la manière dont nous pouvons le transformer.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Marion Müller-Collard
Entretien mené par : Frédérick Casadessus
Technique : Alban Robert