À l’occasion de la parution de 1882-1905. La laïcité victorieuse (Presse Universitaire de France, 2025), Jean Baubérot revient sur l’histoire réelle, et méconnue, d’une laïcité capable de désamorcer les conflits plutôt que de les envenimer. Dans un contexte où l’on parle sans cesse de “crise de la laïcité”, son ouvrage réintroduit un élément essentiel : la laïcité n’est forte que lorsqu’elle pacifie.

Baubérot rappelle d’abord que la laïcité repose sur une logique simple : une égale liberté de conscience pour tous. Et pour cela, l’État doit être neutre, mais « neutre comme l’arbitre d’un match de foot : il court sur le terrain, mais pas pour marquer des buts ni pour empêcher qu’ils le soient. Il rappelle les règles et permet au jeu de se faire. » Une image limpide d’une laïcité qui n’est “ni religieuse ni antireligieuse”, mais qui garantit que “les diverses convictions puissent s’exprimer librement sans surplomber la société”.

Pourquoi revenir aujourd’hui sur 1882 et 1905 ? Parce que, selon lui, « lorsqu’on lit la presse de l’époque, on voit un pays aussi alarmiste que le nôtre. Beaucoup affirmaient que “pour qu’une France vive, il faut que l’autre meure” ». Pourtant, malgré ces fractures, la laïcité a réussi à “triompher parce qu’elle a su réconcilier”. Une victoire n’en est une que “si elle arrive à faire la paix”.

Le livre revisite trois moments décisifs. D’abord la création d’une école publique laïque dont “la morale laïque n’était pas antireligieuse”, puis la loi de 1905 où Baubérot corrige un mythe : la séparation ne fut pas l’œuvre d’un anticléricalisme radical, mais d’un “anticléricalisme libéral” porté par Ferdinand Buisson et Aristide Briand, soucieux de liberté de conscience. Enfin, il met en regard ces fondations avec les défis actuels.

L’histoire, dit-il, “ne donne pas de recettes”, mais elle éclaire : si la France a déjà su résoudre l’inconciliable, c’est qu’une laïcité réellement neutre et réellement libérale reste un chemin possible.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Jean Baubérot Vincent
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Technique : Alban Robert, Anne-Valérie Gaillard