Albert Camus, un « mystique solidaire » : le Christ sans résurrection

Dans Le Christ d’Albert Camus (Éditions Desclée de Brouwer), Véronique Albanel explore la dimension spirituelle et christique d’un écrivain que l’on réduit trop souvent à l’agnosticisme. Loin d’un athée désenchanté, Camus apparaît ici comme un chercheur de vérité, fasciné par la figure morale et humaine du Christ.

Le titre intrigue, car l’auteur de L’Étranger disait ne pas croire à la résurrection. Pourtant, il ne cessait de se réclamer d’un Christ vivant. Non pas celui de la dogmatique ecclésiale, mais celui des Béatitudes, des pauvres et des justes. Camus admire la cohérence radicale de l’Évangile : celle d’un message qui refuse la tiédeur. Pour lui, le Christ est le modèle du juste, celui qui s’oppose à la violence, au meurtre et à l’injustice, tout en demeurant du côté des humiliés.

Dans ce dialogue constant avec le christianisme, Camus rejette « le Christ de plomb » – symbole d’une foi figée et instrumentalisée – pour retrouver la vérité vivante d’un message de compassion. Ce Christ de chair et de miséricorde irrigue son œuvre, jusque dans son refus de la peine de mort ou son engagement aux côtés des résistants.

Véronique Albanel rapproche Camus de Dietrich Bonhoeffer, le théologien protestant exécuté par les nazis, dans une même volonté de penser un Dieu présent au cœur du tragique humain. Chez l’un comme chez l’autre, le Christ n’est pas hors du monde : il s’y engage jusqu’à porter le fardeau de la souffrance.

À travers cette lecture, Albanel dessine le portrait d’un Camus « mystique solidaire », écartelé entre solitude et engagement, contemplation et action. Loin des extases religieuses, sa mystique est une fidélité au monde, une prière enracinée dans la justice et la beauté.
Dans un siècle pétri de désillusion, Camus demeure ce témoin d’un « invincible été » : une résolution à vivre et à espérer, même quand tout semble perdu.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Véronique Albanel
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures