Dans une interview accordée à Regards protestants, Veronika Hoffmann, professeur de dogmatique à l’Université de Fribourg, se penche sur la nature complexe et évolutive du doute dans le christianisme, un sujet qu’elle explore dans son nouveau livre « L’ombre d’un doute« , paru aux éditions Labor et Fides.
Evolution de la perception du doute
Traditionnellement, le doute a été perçu comme néfaste, souvent classé comme un péché dans la foi chrétienne. Cependant, précise Veronika Hoffmann, des changements récents indiquent une acceptation croissante du doute comme une force positive, essentielle à la maturation de la foi et favorisant la tolérance à l’égard des convictions divergentes.
Les recherches de Veronika Hoffmann révèlent une transformation de la manière dont le doute est considéré. Les théologiens et les croyants contemporains reconnaissent de plus en plus les avantages potentiels du doute. Le doute encourage la pensée critique, incite les individus à remettre en question et à comprendre leurs croyances en profondeur plutôt que de les accepter sans poser de questions. Ce doute intellectuel, souvent au centre des discussions sur les aspects positifs du doute, remet en question les certitudes religieuses et l’existence de Dieu.
Les cinq catégories du doute
Veronika Hoffmann classe le doute en cinq catégories distinctes : 1) Le premier est l’esprit critique, qui est un doute intellectuel remettant en question les certitudes religieuses et cherchant à comprendre et à justifier la foi. 2) Le deuxième type concerne la méfiance, en particulier dans la relation avec Dieu, et est souvent considéré comme une forme de défiance, historiquement qualifiée de péché. 3) Le troisième type considère le doute comme un catalyseur de croissance spirituelle, aidant les individus à affiner leur compréhension de Dieu et de leurs croyances. 4) Le quatrième type consiste à accepter les limites, à reconnaître les limites de la connaissance humaine et à accepter que certains aspects de la foi restent incertains. 5) Enfin, le cinquième type est le conflit d’interprétations, inspiré par le philosophe Paul Ricœur. Il reconnaît la coexistence de multiples convictions plausibles, ce qui permet aux individus d’avoir des croyances fortes tout en restant ouverts à d’autres perspectives.
Veronika Hoffmann situe les discussions contemporaines sur le doute dans le contexte plus large de ce que le philosophe canadien Charles Taylor appelle « l’ère séculière ». Dans le cadre immanent d’aujourd’hui, où le monde est largement compris à travers ses processus internes sans référence à la transcendance, le doute devient plus répandu. Ce cadre séculier remet en question les certitudes religieuses traditionnelles, faisant du doute une partie intégrante de la foi moderne.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Veronika Hoffmann
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal Pictures