Alors que le monde commémore les 500 ans de l’anabaptisme, l’historien et théologien mennonite Neal Blough publie un ouvrage majeur : L’Évangile comme récit de paix. L’Église face à la violence et à la guerre. Professeur honoraire à la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, il y condense plus de cinquante années de recherche et d’enseignement sur la non-violence chrétienne.

Pour Blough, réfléchir à la paix ne se limite pas à réagir dans l’urgence des conflits. L’exemple de l’Ukraine est parlant : « Une fois que la guerre éclate, il est souvent trop tard. » L’enjeu est d’installer avant et après les crises des structures qui permettent de résoudre les conflits autrement que par la violence. L’Église, selon lui, doit prendre sa part en développant une culture de la réconciliation et du pardon.

Mais que faire des passages violents de la Bible, notamment dans le Premier Testament ? L’auteur convoque les travaux de René Girard sur le mécanisme du bouc émissaire et ceux de Walter Brueggemann, qui voit dans ces récits non pas un arbitraire divin mais une défense du peuple de Dieu. Pour Blough, la clé de lecture demeure le Christ lui-même : « Vous avez entendu dire… mais moi je vous dis. » Autrement dit, c’est à la lumière de l’Évangile que les chrétiens sont appelés à relire leur héritage biblique.

Cette fidélité à l’Évangile conduit-elle nécessairement à une position minoritaire ? Neal Blough récuse l’idée d’une spécificité mennonite : il s’agit au contraire de l’universalité de l’Église et du refus de tout nationalisme chrétien. Le scandale, dit-il, reste la complicité des Églises avec la guerre. La liturgie, comprise comme « art de faire des disciples », doit donc redevenir un lieu de formation à la paix, capable de relier convictions et vie quotidienne.

Face au découragement, Blough rappelle l’exemple de Bonhoeffer : oui, les chrétiens échoueront, mais Dieu relève et pardonne. D’où son appel à une spiritualité de patience et de courage, à la fois lucide sur les échecs et confiante dans la promesse du Royaume.

En publiant cet ouvrage, Neal Blough offre un outil théologique précieux pour toutes les Églises, pacifistes ou non. À l’heure où certains courants nationalistes détournent la foi pour justifier la violence, son livre se présente comme une référence incontournable pour penser l’Évangile comme source de paix et de réconciliation.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Neal Blough
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures