Avec Éloge de l’altérité – La joie, c’est les autres ! (Artège, 2025), Marion Lucas poursuit la réflexion entamée dans Le mystère d’une belle âme. Ce nouveau livre naît d’ailleurs directement des interrogations suscitées par son précédent essai : qu’est-ce que l’âme ? Est-elle masculine, féminine ? Existe-t-il en elle une altérité constitutive ? Portée par les questions de ses lecteurs, l’autrice reprend la plume et engage une méditation profondément incarnée sur ce qui nous relie et nous transforme.
Pour Marion Lucas, l’altérité n’est ni un concept abstrait ni une simple posture morale : c’est un mouvement, un dynamisme qui traverse toute existence humaine. Elle la définit comme « tout ce que l’autre est et que je ne suis pas, mais qui agrandit mon horizon ». Un élan relationnel qui commence dès notre origine : notre première expérience d’altérité est d’être porté par une autre. La grossesse devient pour elle le symbole originel d’une humanité faite de liens, de dépendance mutuelle, de vies qui se façonnent en dialogue. En racontant sa propre expérience de mère, Lucas donne chair à cette intuition : la vie en soi qui n’est pas soi devient l’image première de l’accueil de l’autre.
L’autrice distingue soigneusement l’altérité de la tolérance. Là où la tolérance peut glisser vers une posture distante ou condescendante, l’altérité engage le cœur, le regard, la présence. Elle convoque Edith Stein, dont la pensée irrigue tout le livre, pour décrire cette rencontre « d’âme à âme » où l’on ose se donner, se risquer vers l’autre. L’altérité devient alors un lieu où l’on se laisse agrandir, où l’on consent à ce qui demeure énigme en l’autre – et en soi.
Le couple est pour Marion Lucas une véritable école d’altérité, où la différence se révèle à la fois source de joie, de tension et d’émerveillement. Elle y voit toutes les « couleurs de l’arc-en-ciel humain », une formation continue à l’accueil de la singularité de l’autre. Reprenant Gabriel Marcel, elle souligne que l’incompréhension fait partie de toute relation : l’autre reste toujours un mystère, et c’est cette part inaccessible qui rend la rencontre vivante.
Dans une société traversée par la mondanité, les opinions toutes faites et l’obsession des bons codes, Marion Lucas rappelle – avec Edith Stein – que la foi chrétienne appelle à « briser les cadres » pour laisser l’amour circuler. Car, au fond, son livre porte une conviction simple et exigeante : la joie naît de la relation, de ce mouvement intime où l’on laisse l’autre élargir notre vie. Un éloge vibrant de la rencontre humaine, et une invitation à faire de l’altérité non pas une contrainte, mais une source inépuisable de joie.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Marion Lucas
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures
