De la Bible au poème : quand Philippe François dévoile la puissance biblique de la poésie française

Comment la Bible irrigue-t-elle la poésie française, de Victor Hugo à Perec, de Dubartas à Derrida ? Avec De la Bible au poème (Labor et Fides), Philippe François poursuit son travail amorcé dans son Anthologie protestante de la poésie française et propose une traversée littéraire étonnante, où croyants et non-croyants se rencontrent autour d’un même réservoir symbolique : l’Écriture.

Une anthologie qui suit le fil de la Bible

L’ouvrage s’organise selon l’ordre même des livres bibliques : Création, Adam et Ève, Caïn et Abel, Jonas, Job, jusqu’à l’Apocalypse.
Un choix « évident », explique Philippe François :

« Soit on classe par auteurs et par siècles, soit on suit la Bible elle-même. C’est le seul classement thématique qui tienne. »

Dans chaque chapitre, le lecteur découvre un ensemble de poèmes inspirés d’un épisode ou d’une figure biblique — qu’ils aient été écrits par des auteurs protestants, catholiques, juifs, agnostiques ou athées. La démarche n’est donc ni confessionnelle, ni théologique : elle est culturelle, littéraire, et profondément humaniste.

Du XVIᵉ siècle à aujourd’hui : la poésie comme conversation à travers les siècles

L’un des fils rouges de l’anthologie est ce dialogue entre poètes anciens et modernes.
Ainsi, la création ouvre sur La Semaine de Du Bartas, monument poétique du XVIᵉ siècle, mêlant Genèse et découvertes scientifiques de son époque.
Puis viennent Victor Hugo, omniprésent :

« Il a écrit de la poésie biblique depuis l’âge de 10 ans ! »

Mais la grande surprise du livre est ailleurs : dans la présence de Perec, et du travail vertigineux qu’il réalise dans La disparition, roman sans aucune lettre « e ».
Non seulement Perec rend hommage à Hugo, mais Philippe François a obtenu l’autorisation de publier pour la première fois les deux versions — Hugo et Perec — en vis-à-vis. Un « sommet de poésie conceptuelle », confie-t-il.

Job, le “seum théologique” et les jeux de langage

Parmi les découvertes contemporaines, on trouve un texte minimaliste du philosophe Matthieu Potte-Bonneville : Livre de Job (R) — un jeu de mots sur la « Somme théologique ».
Le terme « seum », explique Philippe François, mérite une note :

« C’est la honte, l’amertume, la mauvaise conscience… bref, on l’a mauvaise. »

Ce glissement lexical permet de relire Job comme une mise en crise de toutes les « théologies de la prospérité » : un malaise, un venin, une gêne spirituelle féconde.

Une anthologie savante, mais vivante

Malgré l’érudition, l’ouvrage se veut accessible. Quelques notes de bas de page situent les polémiques anciennes, éclairent les archaïsmes ou annoncent les jeux formels.
Et parfois, la poésie devient liturgie.
Philippe François raconte ce jour où il fit lire le Notre Père versifié par Clément Marot à une assemblée alsacienne :

« Les gens hurlaient le texte. C’était un moment de grâce. »

Une proposition : redécouvrir la Bible autrement

Entre préface inspirée de Frédéric Boyer, trésors oubliés, poésie contemporaine et trouvailles conceptuelles, De la Bible au poème offre une entrée singulière dans l’imaginaire biblique.
Une invitation à lire, à redécouvrir, et surtout à laisser la poésie rouvrir les Écritures — autrement.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Philippe François
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures