Après les pères, place à la mère. Dans Une drôle de peine, Justine Lévy poursuit son œuvre autobiographique en renouant avec celle qu’elle n’a jamais cessé de chercher : Isabelle Doutreluigne, sa mère, disparue il y a vingt ans. L’autrice, aujourd’hui âgée de 54 ans – le même âge que sa mère au moment de sa mort -, reprend une conversation inachevée, entre douleur, humour et tendresse retrouvée.

« J’ai couru après maman toute ma vie, toute sa vie », écrit-elle. De ce cri d’enfant naît une prose bouleversante, qui évoque la mère fantasque et insaisissable : femme-enfant, junkie, un peu voleuse, un peu poétesse, qui « prenait la lumière » et brûlait ses promesses. Là où Mauvaise fille (2009) transpirait encore la rage et la culpabilité, ce nouveau livre adopte une tonalité plus apaisée, comme si le deuil s’était transformé en gratitude.

Camille Perrier souligne la justesse du ton : Justine Lévy écrit sans pathos, avec une ironie douce, une pudeur vibrante. Entre fragments, extraits du journal maternel et souvenirs d’enfance, Une drôle de peine mêle chaos et clarté, douleur et beauté.

Autour de la narratrice gravitent deux présences masculines bienveillantes : Pablo, son mari, figure d’amour inconditionnel, et Bernard-Henri Lévy, le père, que l’écrivaine décrit avec une rare tendresse : « J’aimerais que le monde entier sache qu’il aime les glaces à la pistache. »

De Paris à l’Inde, là où ses parents se sont aimés, le roman devient pèlerinage. Un voyage intérieur vers la paix, peut-être impossible, mais nécessaire.

Car, comme le conclut Camille Perrier, Une drôle de peine n’est pas un livre qui soigne : c’est un livre qui éclaire. Certaines douleurs, semble dire Justine Lévy, ne se guérissent pas — elles s’apprivoisent, jusqu’à devenir lumière.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Camille Perrier
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures