Que reste-t-il de l’esprit de Luther ?
Cinq siècles après Luther, la Réforme protestante continue d’éclairer nos débats contemporains. Pour le pasteur Timothée Gestin, de l’Eglise protestante unie de France, « réformer » ne consiste pas à suivre les modes spirituelles du temps, mais à revenir sans cesse à la source : la Parole de Dieu. « La Réforme, dit-il, c’est d’abord un retour. Laisser la Parole interroger l’Église, puis le monde ».
À l’heure où les Églises sont invitées à se positionner sur des sujets brûlants — justice sociale, écologie, crise du religieux — le risque, selon lui, serait d’oublier cette priorité. « La tentation, c’est d’assiéger la Parole de nos propres questions. Or la Réforme propose le mouvement inverse : c’est Dieu qui met l’homme en question. » Cette inversion du regard, typiquement protestante, ouvre un espace critique pour penser l’engagement autrement : non comme une récupération politique du message évangélique, mais comme une réponse libre et inspirée à ce que Dieu dit au cœur du monde.
Cette « écoute active » n’est pas une fuite spirituelle : elle engage. Luther rappelait déjà que « le chrétien est à la fois juste et pécheur », ni séparé des autres, ni au-dessus d’eux. Une conviction qui, selon Timothée Gestin, fonde une véritable éthique publique : « Dans un monde sécularisé, le message de la Réforme rappelle que la grâce n’exclut personne. »
Aujourd’hui encore, l’Église est appelée à se réformer — non pour se moderniser, mais pour retrouver le souffle premier d’une foi qui libère et questionne à la fois. Et de conclure :
« Aujourd’hui, si vous entendez ma voix, ne fermez pas votre cœur. » (Hébreux 3, 7-8)
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Timothée Gestin
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Paul Drion
