Le renouveau des églises chrétiennes en Afrique

Aujourd’hui, de nombreux chrétiens catholiques et protestants en Afrique expriment des frustrations croissantes face à la multiplicité des quêtes dans les églises et le manque de réponses adaptées à leurs préoccupations quotidiennes. Ce mécontentement a favorisé l’émergence de nouveaux mouvements religieux et de leaders charismatiques qui semblent mieux répondre aux attentes de la population, notamment des jeunes.

Des attentes non satisfaites

Les églises historiques, y compris l’Église catholique, ont souvent échoué à véhiculer un message qui répond aux attentes de leurs fidèles. Les jeunes générations, en particulier, cherchent des réponses concrètes à leurs problèmes de mariage, de migration, de santé et d’emploi. Ces préoccupations, largement ignorées ou sous-traitées par les grandes institutions religieuses, ont trouvé un écho chez les nouveaux leaders religieux qui s’efforcent de répondre à ces besoins de manière directe et pratique.

Les églises émergentes, souvent dirigées par des jeunes leaders, abordent ces questions de front, ce qui explique en partie leur succès. « Ces jeunes églises ont pris à bras le corps toutes ces préoccupations laissées de côté par les grandes institutions religieuses », souligne Bony Guiblehon, anthropologue et théologien ivoirien. Cette approche proactive répond à une demande croissante de sécurité et de solutions tangibles dans un contexte socio-économique difficile.

Le rôle des réseaux sociaux

La montée en puissance des médias sociaux a également joué un rôle crucial dans la popularité de ces nouveaux mouvements religieux. Des figures comme le pasteur Makosso, qui n’a pas de lieu de culte physique mais une forte présence sur les réseaux sociaux, attirent des milliers de fidèles en ligne. Cette église électronique, similaire à celles bien établies aux États-Unis, gagne du terrain en Afrique en offrant une accessibilité et une résonance immédiates auprès d’une audience jeune et connectée.

Les jeunes africains, souvent éduqués à l’étranger, ramènent des modèles de réussite qu’ils adaptent à leur contexte local. « Ils voient ce qui marche ailleurs et l’appliquent ici, et ça fonctionne », explique le théologien. Cette adaptabilité et cette modernité contrastent avec l’immobilisme perçu des églises traditionnelles, où les dirigeants âgés refusent souvent de céder la place.

Conflits intergénérationnels

Les tensions intergénérationnelles exacerbent cette dynamique de changement. Dans de nombreuses églises historiques, les anciens dirigeants restent en place indéfiniment, empêchant les jeunes de s’exprimer et de prendre des responsabilités. « En Afrique, tant que le doyen n’est pas mort, tu ne peux pas accéder à l’héritage », résume un critique. Cette situation est souvent comparée à la scène politique, où les jeunes doivent parfois recourir à la violence pour se faire une place.

Ces conflits sont également présents dans le domaine religieux. Les jeunes, frustrés par l’absence de perspectives, créent leurs propres églises et trouvent un public prêt à les suivre. Ils ne doivent pas rendre de comptes aux structures traditionnelles et peuvent ainsi répondre plus directement aux besoins de leur communauté.

Par ailleurs, la question de la formation théologique est aussi cruciale. De nombreux jeunes leaders se forment « sur le tas », estimant que le Saint-Esprit pourvoira à leurs lacunes. « Ils disent que le Saint-Esprit fera le reste, qu’ils n’ont pas besoin d’aller dans un institut de théologie pendant des années », note Bony Guiblehon. Cette approche pragmatique et inspirée est perçue comme une réponse divine directe, contournant les longues formations académiques traditionnelles.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Intervenant : Bony Guiblehon