Pour les grands partis, la désignation des candidats aux élections européennes a parfois permis de caser des amis plutôt que d’envoyer à Strasbourg des militants de la cause européenne. Et on s’étonne que l’Europe ne fasse pas rêver ! Il faut ajouter qu’il est difficile de faire rêver avec des questions de taux directeurs, d’union bancaire, d’eurobonds et de mutualisation de la dette. Ce qu’on attend d’une instance politique est qu’elle gère, qu’elle édicte des lois, qu’elle organise la solidarité, qu’elle fasse des compromis pour favoriser le vivre ensemble… pas qu’elle fasse rêver. Malgré la pratique de certains partis, l’Europe reste un bel idéal.
Lorsque nous avons rencontré les manifestants de la place Maïdan, à Kiev, ils rêvaient d’Europe, eux. Pas tant pour l’argent que pour le droit. Il faut avoir un peu voyagé pour mesurer le privilège de vivre dans un État de droit. La France est un pays et l’Europe un continent dans lesquels la loi, la démocratie parlementaire, la laïcité, la protection des minorités, l’autonomie des sujets, le respect des femmes… sont des valeurs qui sont mieux partagées que dans beaucoup d’autres lieux du monde.
Nous pouvons faire la même constatation en nous penchant sur le passé. Dans son dernier livre, Luc Ferry écrit : « Lisez les utopistes du XIXe siècle… Même dans leurs rêves les plus fous, aucun de ces doux rêveurs n’aurait osé imaginer une seconde le dixième, que dis-je, le centième de ce dont chacun de nos enfants dispose aujourd’hui à la naissance en termes de liberté de circulation, de parole, de droit à l’éducation, à la contestation, à la culture, à la santé, aux loisirs, etc. » Parce que ces valeurs sont partagées par les pays européens, c’est à ce niveau qu’elles sont le mieux défendues. […]