Dans les écoles de journalisme, on appelle ça « la règle du mort kilomètre ». Entendez par là que vous serez plus touché par la disparition, du fait d’un accident de la route, d’un jeune de votre village que par celle de dizaines de Pakistanais dans une coulée de boue. Plus la mort est proche, plus elle est incarnée, plus elle prend figure connue, plus elle nous émeut. Logique ou plutôt humain. Notre compassion, notre empathie portent en elles leurs limites.
Pourtant, dans la société hyperconnectée qui est désormais la nôtre, plus rien ne nous échappe. Au plus près, les victimes d’avalanches – des jeunes, des légionnaires – avec leur lot d’imprudences, voire de transgressions des règles, quand on skie hors-pistes. Au plus loin, à nouveau, les cibles des terroristes islamistes à Istanbul ou à Ouagadougou. Terrible.
Tous les jours ou presque, nous vivons en direct et en images la mort, ici, ailleurs.
Prenons garde alors de ne pas nous laisser « enterrer vivants ». Prenons garde à ce que trop de mauvaises nouvelles, trop souvent, ne rognent notre appétence à nous projeter dans l’avenir, à espérer en ce monde, à vibrer pour notre aventure commune.
Notre vocation humaine, citoyenne, chrétienne n’est-elle pas la transformation du monde ? Comment en faire le moteur de notre vie si nous nous laissons entraver par un excès de désespérance – ou pire – de fatalisme ? […]