Dans un monde où les fractures religieuses et culturelles semblent s’élargir, Coexister propose un modèle unique pour réconcilier diversité et unité. Fondée en 2009, cette association interconfessionnelle mobilise des jeunes de 15 à 35 ans pour promouvoir le dialogue, la solidarité et l’éducation sur les questions religieuses et philosophiques, dans le respect de la laïcité française.
Pour Gustave Braastad, formateur au sein de Coexister, l’objectif est clair : créer des espaces où la rencontre devient possible, loin des clichés et des préjugés. « Nous ne cherchons pas à fusionner les convictions ou à uniformiser la diversité. Au contraire, nous voulons apprendre à dialoguer à partir de nos différences », explique-t-il.
Une jeunesse au cœur de l’action
Coexister s’adresse à une tranche d’âge souvent absente des initiatives interreligieuses classiques. « Les jeunes ont besoin d’un espace qui leur ressemble, où ils peuvent s’investir pleinement, pas seulement assister à des conférences descendantes », souligne Gustave Braastad.
L’association fonctionne autour de trois axes principaux :
- Le dialogue : Des événements permettent aux jeunes de se rencontrer et d’échanger dans un cadre bienveillant. Soirées-débats, visites de lieux de culte, conférences ou encore activités immersives comme l’entrée en shabbat ou un « shabftar » (mêlant rupture du jeûne du ramadan et début du shabbat) figurent parmi les initiatives phares. Ces moments ne visent pas à minimiser les différences, mais à mieux les comprendre, tout en tissant des liens humains profonds.
- La solidarité : Coexister transforme les convictions en leviers pour des actions concrètes. Maraudes, collectes de vêtements, dons de sang ou distributions de repas permettent de rassembler des jeunes autour d’un objectif commun, quelle que soit leur foi ou leur philosophie. L’événement fondateur, un don de sang en 2009 avec le slogan « Les religions font couler le sang pour la paix », reste un symbole fort de cette approche.
- L’éducation : L’association intervient également en milieu scolaire, un terrain souvent délicat pour aborder les questions religieuses. Grâce à un ton accessible et des outils adaptés, les jeunes bénévoles facilitent le dialogue avec des élèves. « En tant que jeunes eux-mêmes, ils instaurent un rapport de confiance et d’égalité, loin des postures professorales », explique Gustave Braastad.
Un effet boomerang transformateur
Une des spécificités de Coexister est l’effet boomerang. En participant aux échanges, les jeunes sont invités à expliquer leurs convictions. Ce processus les pousse à réfléchir à leur foi ou leur philosophie, et souvent à en ressortir renforcés. « Ce n’est pas une dilution des identités, c’est une redécouverte. Les jeunes deviennent plus ancrés dans leurs convictions tout en développant une réelle ouverture d’esprit », affirme Gustave Braastad.
Loin de se limiter aux grandes traditions abrahamiques, Coexister s’adresse aussi aux agnostiques, aux athées et aux adeptes d’autres spiritualités, comme le bouddhisme ou le taoïsme. Ce modèle inclusif s’inscrit dans un cadre interconfessionnel, une notion élargie qui dépasse le simple dialogue interreligieux.
Un rôle dans une société fracturée
Depuis les attentats de 2015, Coexister s’est affirmé comme un acteur essentiel du vivre-ensemble en France. En lançant le hashtag #NousSommesUnis, projeté sur la tour Eiffel après les événements, l’association a démontré sa capacité à fédérer au-delà des clivages. Chaque année, elle publie également le Baromètre de la Fraternité, une étude sondant les Français sur leur perception de la diversité, de la solidarité et des discriminations.
Pour Gustave Braastad, l’urgence est palpable : « La société française est profondément divisée sur ces questions. Ignorance, préjugés et incompréhensions alimentent les tensions. Pourtant, la diversité n’est pas une menace, mais une richesse. Il faut apprendre à s’en servir pour construire, ensemble. »
Un appel à la jeunesse protestante
En tant que jeune protestant engagé, Gustave Braastad voit dans Coexister une opportunité précieuse pour sa communauté. « Le protestantisme, de par son histoire et sa théologie, a beaucoup à offrir au dialogue interreligieux. Cette capacité à conjuguer ancrage dans la foi et ouverture sur le monde est un atout unique. »
Il encourage les jeunes protestants à rejoindre des associations comme Coexister, où ils pourront contribuer tout en approfondissant leur propre identité. Pour lui, l’engagement dans le dialogue interconvictionnel ne diminue pas la foi, mais la renforce : « En expliquant ce que l’on croit et pourquoi, on devient plus conscient, plus engagé et mieux préparé à partager notre message avec le monde. »
Coexister, plus qu’un simple mouvement, est un véritable laboratoire du vivre-ensemble. À travers ses initiatives, l’association prouve que la jeunesse peut non seulement surmonter les fractures, mais aussi montrer la voie d’un avenir commun, fondé sur le respect et la solidarité.
Production : Fondation pasteur Bersier – Regards protestants
Remerciements : Gustave Braastad
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Quentin Sondag