Dans une vie de journaliste, il est des regrets de n’avoir pas interviewé – et rencontré – certains, certaines. Michel Rocard et Élie Wiesel font partie de ceux-là, tant l’admiration le dispute à la curiosité. Comme on le lira dans ces pages, Michel Rocard était un visionnaire, qui avait toujours su prendre un pas de côté pour regarder le réel autrement. Et y répondre différemment. En 2009, dans Réforme, il dénonçait les dérives de l’ultralibéralisme et regrettait déjà le manque d’unité de l’Europe pour répondre à la crise. Se prêtant à quelques confidences sur ses racines protestantes et sur son état de santé, après une hémorragie cérébrale survenue en juin 2007, il avait dit, simplement : « Chaque jour qui passe est une bénédiction. » Ces jours qui lui restaient à vivre, il a su les occuper, portant un regard inquiet mais juste sur notre monde si plein de contradictions…
Dans un tout petit livre, Cœur ouvert, Élie Wiesel disait lui aussi le miracle de survivre à un gros pépin de santé, une opération cardiaque. Au fil des pages, il décrit l’amour des siens et revisite sa foi, lui le petit garçon juif réchappé des camps de la mort, devenu héraut de la bienveillance, distingué par le prix Nobel de la Paix. Qu’aurait-on aimé l’écouter de tout près, comprendre, avec lui, que la sérénité est un leurre quand le monde continue à vivre des horreurs. […]