En 1967, Paul Ricœur faisait une série de conférences sur le thème des défis posés à l’Église de son temps. Il décrivait la société dans laquelle il se trouvait comme marquée par la rationalité et le sentiment d’absurdité et d’insignifiance. « Nous découvrons que les hommes manquent de justice, certes, d’amour sûrement, mais plus encore de signification : insignifiance du travail, insignifiance du loisir, insignifiance de la sexualité – voilà les problèmes sur lesquels nous débouchons. » Un an plus tard, en mai 68, la jeunesse manifestait autour du slogan : « On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance. »
Les éditions Labor et Fides viennent de publier ces conférences et, à les lire, on croirait qu’elles ont été prononcées pour notre temps. Leur propos fait écho à Fethi Benslama qui écrit, dans son livre Un furieux désir de sacrifice, que la radicalisation des djihadistes « peut être comprise comme le symptôme d’un désir d’enracinement de ceux qui n’ont plus de racines ou qui se vivent comme tels ». Dans le radicalisme, le candidat au djihad s’extrait d’un monde insignifiant dans lequel il se sent englué pour s’installer au dernier étage de la transcendance d’où il peut regarder le monde d’en haut. […]