Antoine Garapon, chef de la Commission pour la reconnaissance et la réparation (CRR), fait la lumière sur une initiative novatrice visant à traiter le traumatisme des victimes d’abus sexuels au sein de l’Église. Née des conclusions accablantes du rapport CIASE sur les abus dans l’Église catholique, la CRR cherche à mettre en œuvre une justice réparatrice pour les victimes incapables d’engager des poursuites judiciaires, souvent en raison du décès des auteurs ou de l’expiration du délai de prescription.

Antoine Garapon souligne l’approche unique de la CRR : un organe neutre et diversifié, libre de toute influence cléricale, représentant un échantillon représentatif de la société française, y compris des professionnels issus des milieux médicaux, juridiques et artistiques. En trois ans, la commission a traité près de 1 000 dossiers, offrant aux victimes d’abus sexuels un espace de reconnaissance et d’apaisement. Les séances d’écoute, dénuées de tout soupçon et de tout jugement, constituent la pierre angulaire de ce processus. De nombreuses victimes d’abus sexuels, dont certaines ont gardé le silence pendant des décennies, racontent des histoires poignantes de trahison et de souffrance à vie, décrivant souvent leur traumatisme comme une « valise de pierres ».

Si la CRR ne facilite pas les rencontres entre les victimes et les agresseurs souvent décédés, elle jette un pont entre ces victimes et les représentants des congrégations religieuses concernées. Ces rencontres visent à reconnaître le préjudice subi, accompagné de gestes symboliques et de réparations financières, non pas à titre d’indemnisation, mais dans le but de permettre aux victimes de se réapproprier leur vie.

Élargissant son champ d’action, le CRR collabore désormais avec l’Église protestante unie de France, adaptant son approche à un contexte distinct des abus systémiques au sein de l’Église catholique. Malgré les critiques, y compris les appels à plus de psychotraumatologues, Antoine Garapon défend le cadre civique et non religieux de la commission, en soulignant l’importance d’humaniser le processus.

Grâce à la justice réparatrice, la CRR favorise un changement profond, en donnant la priorité à la voix des victimes et en reconnaissant les effets en chaîne des abus sexuels. Son travail souligne le besoin critique pour les institutions de faire face à leurs échecs et de soutenir les victimes dans leur cheminement vers la guérison et la dignité.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Antoine Garapon
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal Pictures