Certaines Églises baptisent les enfants, d’autres que les confessants. Lorsqu’on interroge l’apôtre Paul, il parle du baptême au présent. Pour l’apôtre, l’important n’est pas l’âge auquel nous avons été baptisés ni les modalités de notre baptême – immersion ou aspersion –, mais comment aujourd’hui nous vivons la réalité de notre baptême.
Luther raconte que, dans les heures les plus sombres où il était accablé de toutes parts, il avait gravé dans le bois de sa table de travail ces mots : « Je suis baptisé ! » Lorsqu’il se sentait menacé par le découragement, il s’accrochait à cette promesse de la grâce de Dieu posée sur son histoire. Cette anecdote souligne l’importance spirituelle du baptême, il nous reste à en chercher le sens.

Dans le protestantisme, le grand débat tourne autour de l’âge du baptême.

Le baptême des petits souligne la grâce première de Dieu. L’enfant qui vient au monde est précédé par un certain héritage. À sa naissance, il a reçu un nom, une famille, un visage, une nationalité… bientôt il va apprendre une langue pour parler et pour penser, pour chanter et pour prier. Le baptême désigne un autre héritage, la bénédiction de Dieu sur une histoire qui reste à écrire. En baptisant un petit, l’Église lui dit : « Toi, petit d’homme, tu es encore tout fragile et tu ne comprends pas ce que tu fais là, tu n’as rien demandé et, quand tu seras plus grand, tu ne te souviendras même pas de ce jour. Pourtant, par ton baptême, nous affirmons que tu es enfant de Dieu, ton nom est gravé dans la paume de sa main. Avec l’eau, nous te bénissons dans le signe de la mort et de la résurrection du Christ. » Cette parole dit avec force le caractère premier de la grâce. Lorsque l’Église baptise les petits, elle confesse qu’elle n’est pas sur terre pour recruter des adhérents, mais pour témoigner de l’amour inconditionnel de Dieu. Si l’enfant ne peut répondre à cet amour, il est à l’image de chacun, car qui parmi nous peut dire qu’il mérite de recevoir le signe de Dieu ?

Le baptême des confessants

Trop souvent, les parents qui font baptiser leurs enfants pensent qu’ils ont assumé leur devoir religieux et que maintenant, leur progéniture peut être aussi infidèle à l’Église qui l’a baptisée qu’ils le sont eux-mêmes.

La dérive des Églises qui pratiquent le baptême des petits est de devenir une Église qui prêche une grâce à bon marché, un pardon sans repentance, un évangile sans conversion, un christianisme bourgeois qui n’est qu’un vernis de spiritualité. Les paroles sur l’amour inconditionnel de Dieu sont justes, mais elles sont dévoyées lorsqu’elles deviennent des oreillers de paresse pour justifier notre conformisme le plus plat.

En réaction à cette dérive, certaines Églises annoncent que, si le baptême est le signe de l’entrée dans la communauté, il doit être le fruit d’une conversion et être précédé d’une confession de foi. Dans cette compréhension, le baptême est moins le signe d’une grâce inconditionnelle offerte à tous, mais celui de la réponse que nous apportons à cette grâce.

Deux formes légitimes

Ces deux formes de baptême ont chacune leur légitimité et leur logique. La pratique des Églises sera une question d’inflexion entre d’un côté celles qui insistent sur la grâce première de Dieu et de l’autre celles qui insistent sur la nécessaire conversion personnelle. Les deux données sont vraies et ce n’est pas un hasard si chaque type d’Église a suscité des cérémonies pour souligner la dimension qui manquait à sa pratique du baptême. Les Églises qui baptisent les petits proposent une cérémonie de confirmation à ceux qui ont été baptisés afin qu’ils témoignent de leur conversion ; et les Églises qui baptisent les confessants proposent une cérémonie de bénédiction des enfants pour témoigner de la grâce de Dieu pour les tout-petits.

Qu’en dit la Bible ?

Lorsqu’on interroge l’apôtre Paul afin qu’il départage entre ces deux compréhensions du baptême, un passage de l’épître aux Romains propose un dépassement de cette alternative : Vous tous qui avez été baptisés, vous êtes morts avec le Christ afin de vivre avec le Christ. Paul parle du baptême au présent : Vous êtes morts, vous êtes ressuscités. Pour l’apôtre, l’important n’est pas l’âge auquel nous avons été baptisés ni les modalités de notre baptême – immersion ou aspersion –, mais comment aujourd’hui nous vivons la réalité de notre baptême ? C’est autour de cette question que les différents courants du protestantisme peuvent se retrouver.

Un apologue

Pour terminer un apologue. Dans ses propos de table, Luther raconte qu’à une période de déprime au milieu d’une peste, un ami lui a dit une parole de grâce : « Notre Seigneur Jésus-Christ dans le ciel doit se dire : Que puis-je donc faire de plus pour cet homme ? Je lui ai donné tant et plus de mes dons les plus magnifiques, et le voilà encore qui désespère de ma grâce ! »

Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier