04.06.2023 : Jn 3.16-18 – L’amour de Dieu

Dieu a tant aimé le monde

Introduction

(sur ce même texte, voir prédication du 14.03.2021)

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Ce verset est fondateur. Les Églises protestantes le citent souvent comme récapitulation de la révélation centrale des Écritures. Il représente une clef de compréhension à partir de laquelle tout peut être relu.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

L’amour de Dieu, un acte

L’amour de Dieu pour le monde est un acte, il a donné son fils unique. Le verbe est à l’aoriste, un temps qui évoque une action passée. C’est fait ! Dieu a donné et il ne peut reprendre ce qu’il a donné. Même Dieu ne peut revenir sur le passé.

Depuis qu’il a donné son fils unique, l’amour appartient à l’être de Dieu, il a donné ce qu’il avait de plus cher pour nous le dire.

L’amour nous précède

Dieu a aimé le monde. Dans le quatrième évangile, le mot monde n’évoque pas le monde qui croit et qui est fidèle, mais le monde des ténèbres qui a rejeté Dieu. Si Dieu aime le monde, ce n’est pas parce que le monde est aimable, mais que Dieu est amour.

Cela signifie que si je suis juste, pieux, altruiste, fidèle, dévoué, droit et généreux : je suis aimé de Dieu. Et que si je suis fanfaron, orgueilleux, méprisant, adultère, cupide, envieux et capricieux : je suis aimé devant Dieu.

Si cette affirmation nous choque, c’est que l’amour inconditionnel de Dieu est choquant pour notre mentalité.

Pistes d’actualisation

1er thème : Le salut et le jugement

Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé. Dans ce verset, le jugement est opposé au salut.

Pour nous aider à penser le salut, nous pouvons nous appuyer sur cette citation qui vient du fondateur du mouvement hassidique, le Baal Shem Tov : « Que chacun sache et prenne en considération que par sa nature, il est unique au monde et qu’aucune personne identique à lui n’a jamais vécu, car si une personne identique avait déjà vécu avant lui, il n’aurait pas besoin d’être. » Être sauvé, c’est entendre que notre vie est unique et… que nous pouvons être. Notre vie n’est pas une bulle de hasard ballotté dans un océan de nécessité, elle est le fruit du désir de Dieu qui nous a créés tels que nous sommes et qui nous appelle à la vie. Nous n’avons pas besoin de justifier, ni de mériter, notre existence sur terre, notre vie à du poids, de l’importance, pour Dieu… même lorsqu’elle nous paraît dérisoire. Lorsque nous sommes menacés par le doute face à cette affirmation, nous pouvons nous redire que Dieu nous aime inconditionnellement, il a donné son fils unique pour le signifier.

2e thème : Qu’est-ce que le salut ?

En grec, le verbe sauver veut aussi dire guérir ; cette ambivalence nous rappelle que le salut ne concerne pas qu’un au-delà de notre temps, elle est une parole de guérison pour notre aujourd’hui.

En hébreu, la racine de la notion de salut se trouve dans le verbe yich qui, au sens premier du terme, signifie donner de l’espace à ce qui est enfermé, se libérer d’une situation étouffante, élargir ce qui est à l’étroit. Être sauvé, c’est être guéri de ce qui nous étreint. Le salut est une ouverture dans ce qui nous enferme, il nous libère de l’angoisse de devoir justifier notre existence pour nous permettre de mettre du souffle, de la respiration dans nos journées.

3e thème : La grammaire de l’Évangile

Pour évoquer cette antécédence du salut par rapport à mes actions, Paul joue sur les modes grammaticaux en articulant l’impératif et l’indicatif selon une logique différente de la nôtre.

Habituellement, l’impératif précède l’indicatif. Notre logique humaine dit : « Exploite ton talent et tu seras talentueux ; fais du bien autour de toi, tu deviendras quelqu’un de bien ; cultive-toi et tu seras cultivé. »

L’apôtre inverse volontiers cette logique en commençant par poser à l’indicatif un certain nombre d’affirmations : Vous avez été libérés… Vous êtes  ressuscités… Vous êtes  sauvés par grâce… avant de les articuler avec les mêmes propositions à l’impératif : Vivez ce que vous êtes !  Cette articulation nous invite à entendre la parole de salut posé sur notre vie et à en vivre : Tu es sauvé par grâce… vis selon l’économie de ce salut. C’est ce qui a fait dire à Luther : « Ce n’est pas en faisant ce qui est juste que nous devenons justes, mais c’est en tant que nous sommes justifiés que nous faisons ce qui est juste. »

Une illustration : Le lieu de la miséricorde

À propos de l’amour de Dieu, une histoire issue de la tradition soufie raconte l’histoire d’un maître particulièrement vénéré qui était sur son lit de mort. Ses disciples lui ont demandé où il désirait être enseveli. Ils pensaient qu’au regard de sa sainteté, il pourrait reposer dans la grande mosquée, là où sont enterrés les plus grands maîtres. « Non, répondit le sage, déposez-moi au cimetière en dehors de la ville, dans le quartier des femmes de mauvaise vie et des criminels, car c’est là que réside la miséricorde. »

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis