25.06.2022 : Luc 9.51-62 – Le combat du non jugement
La tentation de la tanière
Introduction
Le premier verset dit que cela arrivait les jours où il allait être enlevé. C’est la troisième fois Dans le chapitre 9 de l’évangile de Luc, que le récit évoque la passion (9.22,44). Après la deuxième annonce, l’évangéliste fait le commentaire suivant : Les disciples ne comprenaient pas cette parole ; elle était voilée pour eux, afin qu’ils n’en saisissent pas le sens (9.45).
Cette incompréhension se manifeste par leur attitude lorsqu’ils se demandent qui est le plus grand alors que la question à poser est de savoir qui est le plus petit (9.46-48) et quand ils proposent de faire tomber le feu sur un village de Samaritain qui refuse de les accueillir alors qu’ils sont chargés d’être les témoins d’une bonne nouvelle.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
La dureté et la tendreté
Le premier verset dit de Jésus qu’il prit la ferme résolution de se rendre à Jérusalem. En grec, l’expression dit mot à mot il durcit son visage. Le verbe est fort et la décision dramatique. Au moment où il est dur dans sa résolution, il va enseigner à ses disciples à être tendre dans leurs relations avec les humains.
Jacques Maritain a dit « Il nous faut avoir l’esprit dur et le cœur tendre, alors que nous sommes tentés d’avoir le cœur dur et l’esprit tendre. » Jésus a l’esprit dur et le cœur tendre quand les disciples ont le cœur dur et l’esprit tendre.
Les Samaritains
Les Samaritains sont les descendants du royaume du nord qui avaient une tradition d’idolâtrie et qui ont été mélangés à d’autres populations, c’est pourquoi ils sont mal vus.
L’Évangile prend un malin plaisir à prendre ses lecteurs à rebrousse-poil en présentant une Samaritaine qui porte la parole de l’évangile à son village (Jn 4.39), et un Samaritain qui est un modèle de foi en se montrant compatissant avec un homme qui a été attaqué par des brigands (Lc 10.25-37).
Dans ce récit, le village samaritain refuse d’accueillir Jésus, il a probablement pris la décision de ne pas accueillir les caravanes qui se rendent en pèlerinage à Jérusalem, pourtant Jésus rabroue ses disciples qui veulent le condamner.
Pistes d’actualisation
1er thème : Le refus du feu
Jésus est route vers sa passion et dans l’évangile, la croix est la non-violence d’un Dieu qui préfère mourir pour ses ennemis plutôt que de les détruire.
Jésus est rejeté des Samaritains parce qu’il se dirige vers Jérusalem. À Jérusalem, il sera rejeté par les autorités religieuses, notamment parce qu’il défendait une ouverture du judaïsme aux étrangers, dont les Samaritains.
Ce passage aurait dû vacciner les Églises contre toutes les tentations d’inquisition. Nous savons pourtant qu’elles sont tombées dans ce piège.
2e thème : Le fils de l’homme n’a pas où poser la tête
L’épître de Pierre parle des chrétiens comme des exilés et des étrangers sur la terre (1 P 2.11), et l’épître aux Hébreux dit des grands hommes de foi ont reconnu qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.
Le fils de l’homme n’a pas où poser la tête parce qu’il est partout chez lui, sa résidence, c’est le cœur de l’humain qui l’accueille dans son histoire. L’évangile nous appelle à dépasser nos frontières pour considérer que nous sommes concitoyens de tous les humains.
3e thème : Quiconque… regarde en arrière n’est pas bon pour le royaume de Dieu.
Ce verset nous rappelle que l’avenir est devant nous, jamais derrière. Le royaume ne se construit pas dans la nostalgie du passé. C’est le thème de la femme de Loth qui est appelée à quitter Sodome sans se retourner, quand elle se retourne, elle est transformée en statue de sel (Gn 19.26).
Vivre dans les regrets et la nostalgie d’un temps idéalisée où tout était mieux, où les Églises étaient pleines et les paroissiens fidèles, c’est se pétrifier et devenir incapable d’être vivant pour ce temps. C’est aujourd’hui qu’il faut préparer le royaume, c’est demain qu’il arrive.
Une illustration : Laisse les morts enterrer les morts
Sur un siège de bus est assis un vieil homme qui tient à la main un bouquet de fleurs fraîchement cueillies. De l’autre côté de l’allée, se trouve une jeune fille dont le regard revient sans cesse se poser sur les fleurs. Le bus arrive à la station où le vieil homme doit descendre. Avant de quitter le bus, il dépose le bouquet sur les genoux de la jeune fille : « Je vois que vous aimez les fleurs, dit-il, et je pense que ma femme aimerait que vous les ayez, je vais lui dire que je vous les ai données. » La jeune fille n’a pas le temps de réagir que le vieillard est déjà descendu du bus. Elle regarde par la fenêtre et le voit… pousser la grille d’un petit cimetière.
Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, pour discuter Jean 16, 12-15 :
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis