19.03.2023 : Jn 9.1-41 – La guérison de l’aveugle de naissance

Le mal et la faute

Introduction

Le chapitre 9 de l’évangile de Jean raconte la guérison d’un aveugle de naissance. Au-delà du miracle, elle propose une réflexion sur notre rapport à la maladie. Dès le deuxième verset les disciples posent la question de savoir qui est responsable de la cécité de l’aveugle : lui ou ses parents. C’est cette question que Jésus va déconstruire.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Les parents et les enfants

La question des disciples renvoie à un débat qui parcourt le Premier Testament. Les livres de Jérémie et d’Ézéchiel citent le proverbe qui dit que les parents ont mangé des raisins verts et que les enfants ont eu les dents abîmées, pour ajouter que ce proverbe ne doit plus avoir court : chacun est responsable de ses actes (Jr 31.29-30, Ez 18.2-3). D’un autre côté, le livre des Lamentations cite ce proverbe pour évoquer la situation des exilés : pour les prophètes, c’est la faute des pères qui a suscité la chute de Jérusalem (Lm 5.7).

Les commentaires en ont déduit que la responsabilité individuelle est juste devant Dieu et relève des temps messianiques, mais dans ce monde-ci il arrive que les enfants paient pour la faute des pères.

L’Évangile ajoute un élément supplémentaire dans ce texte en déplaçant la question.

La guérison comme libération

Devant un aveugle de naissance, Jésus opère un soin en appliquant de la boue sur les yeux du malade, puis il l’envoie se laver au bassin et lui se retire. Ce n’est qu’à la fin de chapitre qu’il recroise l’aveugle guéri, presque par hasard.

Jésus ne cherche pas à enrôler le malade pour en faire un disciple qui marche à sa suite, il veut faire de cette guérison une prédication pour tous ceux qui associent la maladie au péché : Jésus déclare ouvertement que ce n’est pas le péché qui est la cause de la cécité de l’aveugle.

Pistes d’actualisation

1er thème : Du pourquoi au pour quoi

Dans leur question, les disciples interrogent Jésus sur l’origine de la maladie : Quelle est la cause de sa cécité ? Jésus répond en déplaçant la question vers sa finalité : Pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il passe du pourquoi au pour quoi.

Ce déplacement nous interroge sur notre comportement par rapport à nos maladies et nos infirmités. On peut rester collé au passé en ressassant les causes de la situation. Jésus nous invite à penser autrement en nous posant la question : Comment vivre sa maladie le mieux possible, comme vivre la maladie en disciple du Christ ? Parfois il ne sert à rien de toujours revenir sur la passé, et se demander les lieux de grâce que nous pouvons trouver au travers de notre maladie.  

2e thème : La question de la théodicée

La question qui traverse notre texte est celle de la théodicée. Si Dieu est bon, pourquoi le mal ? Cette question traverse le livre de Job avec le discours des amis qui disent que Job a dû s’éloigner de Dieu pour être atteint comme il l’a été. Le message du livre déplace la question en disant que l’origine du mal ne nous appartient pas (dans le cas de Job, il vient d’un pari stupide entre Dieu et le diable, ce qui est une façon ironique de dire que ça échappe à notre compréhension), ce qui nous appartient, c’est notre attitude face au mal.

Notre monde est traversé par des forces de mal, ce qui nous appartient, c’est de les combattre comme Jésus l’a fait en guérissant l’aveugle et de cherche la grâce malgré, et au-delà du mal.

3e thème : Qui est aveugle et qui voit ?

Dans la conclusion, Jésus déclare qu’il est venu afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Les vrais aveugles de ce récit n’est pas le malade, mais les pharisiens qui sont incapables de voir ce qu’ils ont devant les yeux. Puisque la guérison a eu lieu un jour de sabbat, elle n’est pas possible et ils en viennent à chasser celui dont la guérison n’entre pas dans leurs cadres religieux. Les pharisiens sont les œillères de leur idéologie, si des faits ne correspondent pas à leur croyance, ce sont les faits qui ont tort.

Ce récit nous invite à une ascèse de la lucidité. Avoir le courage de voir les choses telles qu’elles sont et non telles que nous voudrions qu’elles fussent. C’est vrai de notre foi et de notre église.

Une illustration : Le mal et la faute.

Le théologien Michel Bouttier propose une médiation sur la faute et la souffrance : « L’homme a la menuiserie dans le sang. Il voudrait d’instinct ajuster faute et souffrance. Quel soulagement si elles coulissaient l’une sur l’autre : nous posséderions enfin la clef de notre destin et la mort serait devenue raisonnable. Heureusement, le Dieu vivant nous a empêchés à tout jamais de visser le couvercle péché sur la boîte souffrance, malgré les efforts toujours recommencés. La logique de malheur, voilà l’implacable asphyxie. L’agonie d’un bébé, la mort de l’innocent sont là, qui grippent définitivement le système. Nous espérions être quittes, et il n’y a pas de réponse. Nous n’échapperons pas à la question : c’est à la fois notre angoisse et notre respiration. C’est la liberté. »

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Amos-Raphaël Ngoua Mouri, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, pour discuter de Jean 9, 1-41 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/jesus-guerit-un-aveugle-de-naissance/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis