L’évangile du dimanche du 28 décembre (Matthieu 2.13-18)
La fuite en Égypte
Introduction
La séquence de cette semaine parle de la fuite de la famille de Jésus en Égypte pour échapper à un massacre des enfants de Bethléem. Dans le chapitre de l’évangile de Matthieu qui parle des persécutions à la fin des temps, il dit qu’il y a le temps de la résistance et du témoignage face au mal, puis il y a le temps de la fuite.
Quand les puissants s’en prennent aux enfants pour les massacrer, il est légitime de fuir.
Deux points d’exégèse
Jésus et Moïse
Le texte de cette semaine dresse deux parallèles entre Jésus et Moïse.
Le massacre des enfants de Bethléem rappelle celui des enfants hébreux qui étaient jetés au Nil au commencement du livre de l’Exode.
La famille de Jésus fuit en Égypte pour échapper au massacre, puis retourne en Israël en parcourant le même chemin que celui des Hébreux dans leur exode.
Jésus est parfois présenté comme le nouveau Moïse. Dans le sermon sur la montagne, Jésus fait partager sa compréhension de la loi comme Moïse avait reçu la Torah sur la montagne du Sinaï.
Pour Matthieu, Jésus est à la nouvelle alliance ce que Moïse est à la première alliance.
L’Égypte terre d’accueil et d’exil
Lorsque Joseph voyage vers l’Égypte, il n’a pas pu ne pas penser qu’il porte le nom d’un patriarche qui est aussi parti en Égypte après avoir été vendu par ses frères (Gn 37.25-36).
Dans la pensée biblique, l’Égypte a été une terre de servitude pour les Hébreux qui y ont été opprimés, mais avant cela elle a été une terre d’asile – la famille de Jacob y a trouvé de la nourriture à l’heure de la famine.
Dans la séquence précédente, les mages venaient de l’Orient, probablement de Babylone, et Joseph est parti en Égypte. La Babylonie et l’Égypte sont les deux terres d’exil dans l’histoire d’Israël. Ce furent aussi deux lieux de fécondité pour le judaïsme puisque c’est à Alexandrie qu’a été traduite la Bible hébraïque en grec avec la version de la Septante, et c’est à Babylone que sera rédigé le principal Talmud qui est la mise par écrit de la tradition orale.
Trois pistes d’actualisation
Les rêves de Joseph
Quatre rêves ont jalonné la vie de Joseph au commencement de l’évangile : un pour accueillir Marie chez lui, un pour fuir en Égypte, un pour rentrer en Israël et un pour aller en Galilée. Le père de Jésus porte le même nom que le patriarche dans la vie duquel les rêves ont aussi eu un rôle important. C’est par un rêve que le patriarche Joseph a suscité la jalousie de ses frères, c’est par un don d’interprétation qu’il s’est fait remarquer en prison et c’est en interprétant le rêve de Pharaon qu’il s’est retrouvé conseiller du roi et qu’il a pris en charge la politique économique de l’Égypte. Le rapprochement entre ces deux Joseph est troublant.
Pour en revenir à notre texte, le père de Jésus était un homme qui écoutait ses rêves, il était à l’écoute de ses émotions, de sa conscience et de son inconscient, des messages qui lui étaient adressés. Parce qu’il a écouté, Dieu a parlé.
Le massacre des Innocents et Jésus
Lorsque Hérode apprend qu’un enfant est né à Bethléem et que des mages ont lu dans les étoiles qu’il deviendra roi des juifs, il a peur. Il envoie ses soldats massacrer dans Bethléem et sa région tous les enfants de moins de deux ans. Le lien de Jésus avec son peuple est scellé dans le sang des victimes du massacre des enfants innocents.
Dans la théologie, Jésus est le sauveur du monde par sa mort en croix, mais avant de sauver les autres, les enfants de Bethléem ont été massacrés à cause de lui. Le massacre des enfants au début de l’évangile fait écho au martyr de Jésus à la fin : le salut des hommes a été pays du prix du sang.
La voix de Rachel
Matthieu reste d’une grande sobriété dans l’évocation de ce massacre. Il se contente de le relire à la lumière d’un verset du prophète Jérémie : Une voix s’est fait entendre à Rama, des pleurs et beaucoup de lamentations : c’est Rachel qui pleure ses enfants ; elle n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus. Selon le livre de la Genèse, Rachel, la femme aimée de Jacob-Israël, est inhumée à Bethléem, non loin de Rama. Avec Rachel, c’est tout Israël qui pleure le massacre de ses enfants.
Un commentaire rabbinique raconte que Joseph a demandé à Jacob pourquoi il avait enterré sa mère prés de Bethléem, à la porte d’Israël, au lieu de l’apporter jusqu’à Hébron pour être enseveli aux côtés d’Abraham et Sara, Isaac et Rébecca ? Jacob a répondu que Dieu le lui a ordonné pour que Rachel soit la mère de tous les enfants d’Israël qui sont en exil. À la fin des temps, on entendra une voix qui gémit, les pleurs de Rachel. La matriarche s’adressera à Dieu pour lui dire : « N’oublie pas mes enfants… je refuse d’entrer en terre d’Israël tant que tous mes enfants n’y seront pas. » Selon ce commentaire, Rachel est la mère de toutes les femmes d’Israël qui attendent la délivrance.
L’évangile inscrit la vie de Jésus dans la théologie de l’exil qui est une reconfiguration spirituelle pour une nouvelle compréhension de Dieu.
Une illustration : L’âne boiteux
Selon une légende, avant de fuir en Égypte, Joseph a cherché à acheter une monture pour porter sa femme et son fils. Comme il était pauvre, il n’avait pas d’argent pour s’acheter un cheval ni un chameau. Pour les quelques pièces qu’il proposait, quelqu’un a consenti à lui vendre un âne, mais c’était un âne boiteux. Cette monture est dérisoire, mais Joseph n’a pas le choix. Il réveille sa femme et son enfant, les charge sur le vieil âne boiteux, et ils partent en direction de l’Égypte. Quand l’officier d’Hérode chargé de surveiller les enfants apprend qu’une famille, avec un jeune enfant, a pris la fuite vers le sud, il prend la tête d’une troupe de cavaliers pour poursuivre les fuyards. Au bout d’une heure de course, ils repèrent une trace sur la piste. L’officier descend de son cheval pour l’étudier. Il distingue les pas d’un homme, la trace d’une jeune fille qui traîne un peu les pieds comme si elle était malade ou très fatiguée, et enfin les empreintes d’un âne qui boite. Il remonte en selle et ordonne à ses soldats de faire demi-tour. Celui qu’ils recherchent est une menace pour le roi, ce n’est pas un miséreux accompagné d’un âne boiteux.
L’épître aux Colossiens du dimanche 28 décembre (Colossiens 3.12-21)
Vivre en Christ
Le contexte – L’épître aux Colossiens
Beaucoup d’exégètes pensent que l’épître aux Colossiens n’a pas été écrite par Paul, mais par un de ses disciples. Les circonstances de sa rédaction vient de que certaines personnes, dont nous ignorons tout, appellent les Colossiens à mener une vie ascétique au nom d’une sagesse supérieure. Paul a des propos très durs pour ses personnes en disant que, sous un couvert d’humilité et de culte des anges, ils sont gonflés de vanité par la pensée de leur chair (Col 2.18). Cela le conduit à un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté chrétienne : Si vous êtes morts avec le Christ aux éléments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous replacez-vous sous des prescriptions légales : « Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas… (Col 2.20-21).
L’auteur de l’épître recentre les Colossiens sur le cœur de la foi : vous avez tout pleinement en Christ, puisque vous êtes morts et ressuscités avec lui. Dans la dernière partie de son épître, il va développer les conséquences pratiques de cette affirmation théologique.
Que dit le texte ? – Les relations familiales
La dernière partie du passage de cette semaine évoque les relations au sein de la famille, mais avant cela, il pose les principes de la vie chrétienne en trois points.
Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce. Dès qu’on vit en communauté – que ce soit en Église ou dans les familles – on se frotte les uns aux autres. La foi nous appelle à tout considérer à partir de la grâce. Parce que nous avons été graciés, nous devons être gracieux les uns pour les autres.
Revêtez-vous de l’amour, qui est le lien parfait… Soyez reconnaissants ! La grâce nous conduit à l’amour et à la reconnaissance. Si je sais être reconnaissant pour tout ce qu’il y a de beau et de bon dans mon histoire, je suis dans la gratitude et je peux aimer mon prochain.
Que la parole du Christ habite en vous avec toute sa richesse. La méditation des Écritures remet au cœur de notre vie la vie du Christ et me conduit à la grâce, à l’amour et à la reconnaissance.
Une fois ces fondements posés, Paul en arrive à la vie au sein des familles, entre hommes et femmes, parents et enfants selon les critères de l’époque qui soulignent la domination des maris sur leurs femmes et des parents sur leurs enfants. Il nous appartient de reprendre ces principes de base (la grâce, l’amour et la reconnaissance) et de les appliquer à nos familles qui sont construites sur d’autres bases.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La Sainte Famille
Cette année, le dimanche de la Sainte Famille propose à notre méditation le texte de l’évangile qui évoque le séjour de Joseph et Marie en Égypte pour échapper à la mesure inique d’un tyran.
Joseph et Marie ont eu la grâce d’écouter leur rêve qui prédisait un massacre à venir, ce qui leur a permis de sauver leur enfant en fuyant en Égypte. On peut penser que cette expérience les a enraciné dans l’assurance que Dieu accompagnait leur histoire et ils ont sûrement été reconnaissants de cet exil. Dans toutes les circonstances, nous devons cultiver les principes que l’auteur de l’épître aux Colossiens rappelle dans son épître (grâce – amour – reconnaissance).
Le livre des Proverbes du dimanche 28 décembre (Proverbes 23.15-26)
La joie des parents
Le contexte – Le Livre des Proverbes
Le livre des Proverbes se présente comme une succession de sentences de sagesse d’un père à un fils. Il souligne l’importance de la transmission qui est un des thèmes les plus importants de la Torah. Selon le livre de la Genèse, Dieu a choisi Abraham parce qu’il transmettra : Je l’ai distingué afin qu’il ordonne à ses fils et à toute sa maison, après lui, de garder la voie du Seigneur en agissant selon la justice et l’équité (Gn 18.19).
La transmission est au fondement de toute civilisation, chaque génération devant s’appuyer sur les précédentes pour développer ses propres intuitions selon l’adage qui dit : pour être plus grands que les géants qui nous précèdent, il suffit de monter sur leurs épaules.
Que dit le texte ? – Heureux l’homme qui se réjouit de ses enfants
La plus grande joie d’un père, c’est de pouvoir se réjouir de ce que sont devenus ses enfants. Dans le premier verset de notre passage, ce qui réjouit un père, c’est quand la bouche de son enfant dit ce qui est droit.
Je tressaillirai de joie dans les profondeurs de mon être, quand tes lèvres diront ce qui est droit. La première chose que nous devons transmettre à nos enfants est le sens de la droiture afin qu’ils se comportent selon ce qui est juste à leurs yeux.
Que ton cœur ne soit pas jaloux des pécheurs. La plus grande épreuve d’un juste, c’est quand il observe les injustes qui prospèrent. Comme le dit le livre de Job à propos des méchants : Leur descendance s’affermit devant eux, avec eux, ils ont leurs rejetons sous leurs yeux. Chez eux, aucune frayeur : c’est la paix… ; le bâton de Dieu n’est pas contre eux. Leur taureau féconde sans faillir, leur vache met bas et n’avorte pas (Jb 21.8-10). Autrement dit, il ne faut pas être juste parce que ça procure le bonheur, il faut être juste parce qu’il faut être juste, même quand ce n’est pas « rentable » selon nos critères humains.
Ne sois pas de ceux qui s’enivrent de vin, de ceux qui font des excès de viandes. Le sens de la vie, ce n’est pas de multiplier les plaisirs. J’aime cette citation d’Einstein : « Je n’ai jamais considéré l’aisance et le bonheur comme des fins en soi – un tel fondement éthique constitue à mes yeux un idéal de porcherie… Les idéaux qui ont éclairé ma voie, et qui, à maintes reprises, m’ont rendu courage pour affronter la vie le cœur léger ont été la Bonté, la Beauté et la Vérité. » La vraie transmission que nous devons à nos enfants, c’est de mettre la bonté, la beauté et la vérité au-dessus des plaisirs de la vie, et nous pouvons ajouter la justice.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La fuite en Égypte
Le dimanche qui suit Noël est consacré à la Sainte famille. Une famille est « sainte », c’est à dire en accord avec sa vocation, lorsqu’elle transmet ce qui est juste.
Dans le passage de l’évangile, Jésus n’est qu’un nourrisson, mais les récits de l’évangile nous montrent un Joseph qui a su lui transmettre un métier, le sens de Dieu et le sens de la liberté… autant dire qu’il a été un vrai, un bon père.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Amos-Raphaël Ngoua Mouri
