06.11.2022 : Luc 20.27-38 – Question sur la résurrection

Le Dieu des vivants

Introduction

L’histoire de la femme qui a eu sept maris relève de la casuistique rabbinique. Il était courant dans les débats entre rabbins de pousser une question jusqu’à l’absurde afin de tester une idée et d’aller jusqu’au bout de ce qu’elle signifie.

L’histoire est hypothétique, mais c’est un des rares passages des évangiles dans lequel Jésus donne un peu de contenu à la grande affirmation de la résurrection.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Les saducéens

Les saducéens sont attachés à la Torah. Simplement ils s’en tiennent à la lettre du Pentateuque et refusent la tradition orale. Comme les premiers livres de la Bible ne parlent pas de résurrection, ils ne croient pas à la résurrection. Ils estiment que l’âme s’éteint lors de la mort physique qui marque la fin de l’humain. En associant une haute conscience morale à un refus de se laisser bercer par des illusions d’immortalité, les sadducéens sont les témoins d’une belle sagesse.

Le lévirat

La loi du lévirat que l’on trouve dans le livre du Deutéronome est donnée pour assurer une descendance aux hommes qui sont morts sans enfants. La veuve devait se marier avec un frère du défunt et le premier fils de cette deuxième union portera le nom de son frère défunt, afin que son nom ne soit pas effacé d’Israël (Dt 25.6). Cette prescription permet que le nom du défunt demeure après sa mort, ce qui suppose qu’il n’y a pas de vie après la mort. La personne décédée subsiste dans la mémoire et le nom des survivants.

Pistes d’actualisation

1er thème : Ni femme ni mari

Jésus opère un décalage par rapport à la question qui lui est posée en disant qu’elle n’est pas pertinente puisque les positions de femme et de mari auront disparu dans la résurrection, chaque personne sera unique et ne pourra être assignée à un sexe.

Nous trouvons une préfiguration de cette idée dans le verset de l’épître aux Galates qui dit que ceux qui ont été baptisés en Christ ont revêtu le Christ et qu’alors il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ (Ga 3.28).

Dans la résurrection chacun est ce qu’il est avant d’être le mari ou la femme d’un ou d’une autre.

2e thème : La sexualité et la mort

Ils ne peuvent pas non plus mourir. Ce qui qualifie notre vie ici-bas est que nous avons un sexe et que nous sommes mortels, deux caractéristiques qui ont disparu dans les catégories de la résurrection.

La particularité de notre monde est que les hommes sont mortels et qu’ils doivent donc se reproduire. Dans l’au-delà, étant fils de la résurrection, ils ne peuvent plus mourir… ils sont semblables à des anges.

Mon corps sexué et mortel est la marque de ma fragilité. La résurrection fait changer de catégorie. Mon être devant Dieu est immortel, c’est lui qui ressuscitera

3e thème : Le Dieu des vivants

Lorsque Paul évoque la résurrection, il déclare que parce que Christ est ressuscité, par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis (1 Co 15.10). Cette parole est importante car elle est la même que celle prononcée par Dieu au mont Sinaï. Lorsque Moïse lui demande son nom, il répond : Je suis qui je suis, et Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Cette parole parle d’un Dieu qui ne se définit pas par son essence mais par le fait qu’il est et qu’il entre en relation avec son peuple. Par reflet, Paul applique cette définition à lui-même. Ce qui le définit en tant qu’homme, ce n’est pas sa nationalité, son sexe, son statut social, mais le fait qu’il est enfant de la résurrection et que son existence est débordée dans toutes ses dimensions par la grâce de Dieu.

Une illustration : Le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob

Dans le livre de l’Exode, lorsque Dieu a appelé Moïse pour qu’il conduise son peuple à la liberté, il s’est présenté comme le Seigneur, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob (Ex 3.6). Un commentaire s’est demandé pourquoi le mot Dieu est-il répété à trois reprises, pourquoi le Seigneur ne s’est pas présenté comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Il a répondu que chaque patriarche avait une relation unique et personnelle avec Dieu et que, de ce fait, le Dieu d’Abraham était différent du Dieu d’Isaac qui lui-même était différent de celui de Jacob. C’est cette relation unique qui fonde la foi en la résurrection dans laquelle chacun sera devant Dieu dans sa singularité la plus intime.

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, pour discuter Luc 20, 27-38 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/question-sur-la-resurrection/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis