L’Évangile face à la souffrance : Jésus refuse la culpabilisation
En commentant le chapitre 9 de l’Évangile de Jean, le pasteur Jean-Christophe Robert propose une lecture décisive d’un texte souvent mal compris : la guérison de l’aveugle-né. Un récit biblique qui, loin d’expliquer la souffrance, la libère de toute culpabilisation religieuse.
La scène est connue. Devant un homme aveugle de naissance, les disciples interrogent Jésus : « Qui a péché ? Lui ou ses parents ? » La question trahit une vision encore largement répandue : celle d’un lien direct entre faute et malheur. Jésus rompt radicalement avec cette logique. Pour Jean-Christophe Robert, il ne s’agit pas d’un simple détail théologique, mais d’un renversement fondamental : « Jésus refuse d’expliquer la souffrance par la faute. Il refuse toute théologie de la rétribution. »
Le pasteur souligne l’enjeu de traduction du texte biblique. L’idée selon laquelle l’homme serait né aveugle « pour que les œuvres de Dieu se manifestent » pose un problème éthique majeur : comment accepter qu’un enfant soit handicapé pour servir une démonstration divine ? Relire le texte autrement permet de redonner sa cohérence au message : la souffrance n’est pas voulue par Dieu, mais elle peut devenir le lieu d’une œuvre de relèvement.
Ce que Jésus accomplit alors dépasse le miracle physique. Il voit celui que personne ne regarde. Il redonne une dignité à celui que la société religieuse exclut. « Le plus grand miracle, ce n’est pas la guérison, c’est la reconnaissance », insiste le pasteur.
À travers ce récit, l’Évangile rejoint l’expérience contemporaine du handicap, de la maladie et de l’exclusion. Il refuse le fatalisme, dénonce la culpabilisation et ouvre un avenir. Même lorsque les « pourquoi » restent sans réponse, demeure une promesse : celle d’un Dieu qui rejoint l’humain dans sa nuit et l’appelle à un devenir.
En ce sens, rappelle Jean-Christophe Robert, l’Évangile reste « le cadeau suprême » : non une explication de la souffrance, mais une présence qui relève et qui éclaire.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Jean-Christoophe Robert
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Technique : David Gonzalez, Horizontal pictures
