La grâce est une protestation et une libération. Une protestation contre tout ce qui abîme les humains et éteint les sourires : le mal, la culpabilité, l’isolement, le sentiment d’inutilité. La grâce est aussi une libération, car en Dieu tout est grâce. La grâce nous délivre de l’obligation de donner un sens à notre existence et de l’exigence de résultats.

Le théologien François Varone a écrit : « La grâce, c’est Dieu qui me sourit… rendre grâce, c’est sourire en retour. » Il nous appartient de nous saisir de ce sourire de Dieu pour le vivre et le partager.

Une protestation et une libération

La grâce est une protestation et une libération. Une protestation contre tout ce qui éteint les sourires : le mal, la culpabilité, l’isolement, le sentiment d’inutilité. Nous sommes appelés à être des protestants de la grâce contre tout ce qui étouffe les sourires.

La grâce est aussi une libération, car elle nous délivre de l’obligation de donner un sens à notre existence et de l’exigence de résultats. Comme l’écrivait Jürgen Moltmann : « Tout est pour rien dit le nihiliste et il est désespéré. Tout est vraiment pour rien dit la foi et elle se réjouit de la grâce qui existe pour rien, et elle espère un monde nouveau où on donnera et où on aura tout pour rien.»

Passer à côté de la grâce

Il y a deux façons de passer à côté de la grâce, la première consiste à nous appuyer sur notre foi et nos bonnes actions à l’image du pharisien de la parabole qui étale devant Dieu sa justice : Je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. Au regard de ses œuvres, le pharisien est quelqu’un de bien, ce qu’on appellerait de nos jours un paroissien exemplaire, et pourtant la chute de la parabole nous apprend que lorsqu’il rentre chez lui, il n’est pas juste devant Dieu. À la limite, il n’a pas besoin de Dieu, sa propre justice lui suffit.

En écho à cette parabole, Charles Péguy a écrit : « Les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce. C’est une question de physique moléculaire et globulaire. Ce qu’on nomme la morale est un enduit qui rend imperméable à la grâce… De là vient que les êtres qui nous sont les plus chers, s’ils sont malheureusement enduits de morale, sont inattaquables à la grâce, inentamables. » Pour prolonger cette citation, nous pouvons raconter l’histoire soufie d’un maître particulièrement vénéré qui était sur son lit de mort. Ses disciples lui ont demandé où il désirait être enseveli. Ils pensaient qu’au regard de sa sainteté, il pourrait reposer dans la grande mosquée, là où sont enterrés les plus grands maîtres. « Non, répondit le sage, déposez-moi au cimetière en dehors de la ville, dans le quartier des femmes de mauvaise vie et des criminels, car c’est là que réside la miséricorde. »

La grâce à bon marché

L’autre façon de passer à côté de la grâce est de compter sur ce que Bonhoeffer appelait la grâce à bon marché qui est un oreiller de paresse pour se dispenser de vivre les exigences de l’Évangile.

La grâce à bon marché revient à compter sur la miséricorde Dieu pour vivre selon les penchants de son égoïsme et de sa cupidité.

La grâce à bon marché, c’est réduire l’évangile à être une pilule pour apaiser ses angoisses religieuses.

La grâce à bon marché, c’est oublier que la vie est tragique et que Dieu n’est pas un gros nounours en sucre d’orge.

Contre la grâce à bon marché, l’épître aux Colossiens écrit : « Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce, assaisonnée de sel. » Vivre la Grâce, c’est avoir une vie salée.

Le prix de la gratuité

Entre les dérives du moralisme et la perversion de la grâce à bon marché, la ligne de crête est étroite. Pour la suivre, il faut être prêt à payer le prix de la gratuité. Luther était un travailleur acharné – il a publié plus de 600 titres – pourtant il a dit : « La Parole doit agir et non pas nous, pauvres pécheurs. Je veux la prêcher,  je veux la dire, je veux l’écrire. Mais seule la parole doit œuvrer et elle le fait quand je dors et quand je bois de la bière avec mes amis. »  La grâce, c’est dire la parole, se défoncer pour l’évangile… et boire de la bière avec ses amis.

Une citation

Pour terminer, une citation de Bonhoeffer : « Voici que la grâce de l’Évangile, si difficile à comprendre aux gens pieux, nous met en face de la vérité et nous dit : tu es un pécheur, un très grand pécheur, incurablement, mais tu peux aller, tel que tu es, à Dieu qui t’aime. Il te veut tel que tu es, sans que tu fasses rien, sans que tu donnes rien, il te veut toi-même, toi seul… Dieu est venu jusqu’à toi, pécheur, pour te sauver. Réjouis-toi ! En te disant la vérité, ce message te libère. Devant Dieu, tu ne peux pas te cacher. Le masque que tu portes devant les hommes ne sert à rien devant lui. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce. Tu n’as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres en te faisant passer pour sans péché ; non, ici il t’est permis d’être un pécheur, remercie Dieu. »

Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier