10.09.2023 : Mt 18.15-20 – Si ton frère a péché
Introduction
La parabole qui précède notre passage est celle du mouton égaré qui dit qu’un seul mouton perdu qui est retrouvé vaut mieux que quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarés.
Une façon d’éviter de laisser les moutons s’égarer est de pratiquer la réconciliation au sein de l’Église.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Autre définition de l’Église
Il y a deux dimanches, nous avons médité le texte dans lequel Jésus a déclaré à Pierre qui venait de confesser qu’il était le Christ que sur cette pierre il bâtirait son Église. L’Église était comprise comme le rassemblement des hommes et des femmes qui confessent que Jésus est Christ.
Dans ce passage, nous trouvons une compréhension de l’Église qui vient enrichir la première : elle est là où 2 ou 3 sont rassemblés en son nom. Que ce soit au milieu de la forêt africaine ou au cœur des beaux quartiers d’une métropole européenne, dans un bidonville brésilien ou dans un hôpital parisien, dans une prison ou dans une école, dans un désert ou sur une montagne, il suffit d’une Bible et de quelques frères et sœurs pour faire une Église… Si en plus on a un morceau de pain, c’est encore mieux.
Prière personnelle et collective
Dans le sermon sur la montagne, Jésus a enseigné à propos de la prière : Quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra (Mt 6.6). La prière était d’abord intime, personnelle. Dans ce passage la prière est communautaire, à deux ou trois.
Les deux passages sont complémentaires : la prière est personnelle et communautaire, elle est dans le secret et dans l’Église.
Pistes d’actualisation
1er thème : La discipline de l’Église
Ce passage est le plus vieux précis de discipline de l’Église sur la gestion des conflits. Le conflit appartient à la vie, seuls les morts n’ont pas de conflits. La fidélité d’une Église ne se repère pas dans l’absence de conflits, mais dans la façon dont ils sont traités.
La gestion d’un conflit se fait en trois temps.
1er temps : une explication de personne à personne. Cela peut paraître une évidence, mais trop souvent lorsque quelqu’un nous a blessés, notre première attitude consiste à le dire à une troisième personne. Que rien ne soit dit sur une personne sans qu’elle soit au courant.
2e temps : faire appel à un médiateur pour que les choses soient dites en présence d’un témoin. Le fait de laisser à chacun la possibilité de décrire la situation de son point de vue permet de relativiser le regard posé sur le conflit car les torts ne sont jamais à 100% d’un seul côté.
3e temps : que l’Église soit informée, et cela peut se solder par le départ d’un des protagonistes. Parfois, lorsque la réconciliation est impossible, une bonne séparation vaut mieux qu’un conflit qui s’enkyste, même si elle reste un échec.
À ces trois temps, une autre solution est donnée dans le texte qui suit que nous méditerons la semaine prochaine : celle d’un pardon sans limite.
2e thème : Le non-juif et le collecteur des taxes
Celui qui est obligé de quitter l’Église est considéré comme un non-Juif et un collecteur de taxes. Deux remarques.
Dans le passage qui précède, Jésus a déclaré que le mouton perdu et retrouvé était le plus précieux à ses yeux. L’histoire n’est jamais finie et la réconciliation doit rester une ligne d’horizon.
Dans cet évangile,Jésus a été traité d’ami des collecteurs des taxes (Mt 11.19) et à deux reprises il a reconnu une grande foi à des non-Juifs (Mt 8.10, 15.28). Parfois c’est celui qui est exclu qui est le plus dans la vérité selon le verset du Ps 118 qui a été utilisé pour trouver un sens à la croix : La pierre que les constructeurs ont rejetée est devenue la principale, celle de l’angle (Mt 21.42).
Et si celui qui a quitté devient un ennemi, alors il faut lui appliquer le commandement qui dit : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent (Mt 5.44).
3e thème : Promesse d’exaucement
La prière en commun est accompagnée d’une promesse d’exaucement : Amen, je vous dis encore que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux. Le Amen renforce la solennité de la formule.
Comment pouvons-nous l’entendre alors que nous avons tous fait l’expérience de prières communes qui n’ont pas été exaucées ? Il faut croire à ce verset et entendre que la prière n’est jamais vaine. Elle ne monte jamais vers Dieu sans effets. Même si nous ne sommes pas exaucés comme nous l’entendions, le fait d’avoir déposé une situation devant le Seigneur a une valeur indéniable.
Une illustration : Un lieu redoutable
Dans le livre de la Genèse, lorsque Jacob fuit pour échapper à la vengeance de son frère, il est visité par Dieu dans un songe dans lequel il voit des anges monter et descendre sur un escalier qui va de la terre au ciel. Le Seigneur s’adresse à lui pour lui dire qu’il sera toujours avec lui dans ses voyages. À son réveil, le patriarche déclare : Vraiment, le Seigneur est dans ce lieu, et moi, je ne le savais pas ! Et il ajoute : Que ce lieu est redoutable ! Ce n’est rien de moins que la maison de Dieu, c’est la porte du ciel ! (Gn 28.16-17).
Parce que le Christ a promis d’être en son sein, l’Église est la porte du ciel. Personne ne m’a jamais dit que l’Église était un lieu redoutable, peut-être parce que nous ne croyons pas assez que le Christ est vraiment au milieu de nous.
Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, pour discuter Luc 15, 1-10 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/les-paraboles-de-la-brebis-et-de-la-drachme-perdues-expliquees/
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis