10 janvier 2021 : Marc 1.7-11 – Baptême de Jésus

Le baptême de Jésus : Tu es mon fils bien-aimé

Introduction

Le baptême de Jésus a créé un embarras dans la première Église. Il suffit de remarquer que l’évangile de Luc n’en parle pas (il dit que Luc et a été présenté au temple et circoncis, mais pas qu’il a été baptisé) et dans le quatrième évangile, Jean dit que Jésus a été baptisé, mais il ne dit pas que c’est par lui.

Seuls les évangiles de Matthieu et de Marc en parlent ouvertement. La raison en est que dans la première Église, les disciples de Jésus étaient en concurrence avec ceux de Jean (Ac 18.25), il était donc gênant pour eux de reconnaître que Jésus a été baptisé par Jean. Cette gêne prêche en faveur de l’historicité de ce passage, on ne voit pas dans quel but la tradition l’aurait inventé.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

La déchirure des cieux

Au verset 10, lorsque Jésus sort de l’eau, il vit les cieux se déchirer. La déchirure des cieux au commencement de l’évangile fait écho à la déchirure du rideau du temple lorsque Jésus meurt sur la croix (15.38). Les cieux qui se déchirent, c’est le signe d’un Dieu qui quitte son ciel pour se révéler au fils dans le baptême, de même que la déchirure du rideau met à nu le lieu très saint ou symboliquement Dieu se tient. Il n’est plus à chercher ailleurs que dans son fils qui meurt sur une croix. Le baptême par immersion est un signe de mort, mourir à sa propre personne, pour renaître à l’amour et à la grâce.

Tu es mon fils bien-aimé

Dans la même veine, lorsque les cieux se déchirent, une voix a déclaré : Tu es mon Fils bien-aimé. La même voix est survenue de la nuée pour dire la même chose au moment de la Transfiguration (Mc 9.7). Or le récit de la Transfiguration se situe dans les trois évangiles synoptiques après la première annonce de la croix. La voix confirme la filialité de Jésus quand il descend dans les eaux du baptême et lorsqu’il annonce sa passion. C’est deux récits sont une illustration de ce qui a été dit dans l’hymne de l’épître aux Philippiens qui dit à propos du Christ : « lui qui était vraiment divin… il s’est vidé de lui-même… il s’est abaissé lui-même… C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom. » (Ph 2.6-9). Nous retrouvons le message de l’évangile qui dit que les vrais grands sont les petits, les plus fidèles sont les plus serviteurs.

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus se fait baptiser pour le pardon des péchés

Jean baptisait pour le pardon des péchés (1.4) et on imagine Jésus faisant la queue avec les habitants de Jérusalem pour être baptisé. Si la théologie dit que Jésus était sans péché (2 Co 5.21, 1 Pi 2.22…), pourquoi a-t-il besoin d’être baptisé ?

Pour répondre à cette question, il faut entendre que le péché n’est pas une catégorie morale, mais existentielle, le péché est ce qui nous sépare de Dieu. Dans son humanité, Jésus aussi a besoin de s’inscrire en Dieu, c’est pourquoi il prie. Jésus est entré dans les eaux du baptême comme Jésus a prié, pour être totalement dans sa vocation.

2e thème : Le baptême dans l’Esprit

Dans sa prédication, le baptiseur disait que lui baptisait d’eau, mais que celui qu’il annonce baptisera dans l’Esprit saint. Et quand Jésus est baptisé, l’Esprit est descendu vers lui.

Le baptême par l’Esprit est annoncé par le prophète Ézéchiel qui met cette promesse dans la bouche du Seigneur : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique. » (Ez 36.26-27). L’Esprit et le souffle sont le même mot, et le mot cœur représente dans l’anthropologie biblique le siège de la pensée et de l’intelligence. La promesse du prophète réalisée dans le baptême de l’Esprit évoque une relation au Seigneur qui ne passe plus par le truchement de la loi, mais de l’écoute, de l’amour et de la liberté.

Pierre reprendra ce thème pour justifier le baptême d’un non-juif devant les chrétiens de Jérusalem qui lui en faisaient le reproche. (Ac 11.15-16)

3e thème : Le baptême, le signifiant et le signifié

La tension entre le baptême d’eau et le baptême dans l’Esprit peut nous aider à relativiser les débats sur le baptême au sein des Églises protestantes. Les Églises se sont divisées pour savoir s’il fallait baptiser enfant ou adulte, par immersion ou par aspersion. Mais dans les évangiles, le baptême d’eau est le signe qui renvoie au baptême dans l’Esprit. Donc la vraie question n’est pas de savoir à quel âge et sous quelle forme j’ai été baptisé, mais comment aujourd’hui je vis de, et dans l’Esprit de Dieu. Un jour j’ai été baptisé, mais le plus important est de savoir comment aujourd’hui je vis le signe de mon baptême.

Une illustration : Être baptisé

À propos du baptême, Péguy a dit qu’il n’y avait pas trop de toute une vie pour que l’eau qui a été versée sur notre tête (nous pourrions ajouter, l’eau dans laquelle nous avons été immergés) arrive jusqu’à nos pieds. Il n’y a pas trop de toute une vie pour que le signe du baptême – qui est en théologie la marque de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous – vienne habiter la totalité de notre existence.

Le jour de notre baptême, le Seigneur a déclaré : Tu es mon enfant bien-aimé. Comment aujourd’hui je vis cette filiation ? Comme le dit une liturgie de baptême : Nous avons été baptisés une fois, mais nous devons être continuellement baptisés par la foi, de telle sorte que la vie chrétienne ne soit jamais autre chose qu’un baptême quotidien.

Pour aller plus loin :
Les pasteurs Antoine Nouis et Amos-Raphaël Ngoua Mouri commentent le texte biblique de Jean 1, 29-34 : https://campusprotestant.com/video/le-bapteme-de-jesus-annonce-par-jean/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis