21.05.2023 : Lc 24.13-35 – Emmaüs

Le Christ ressuscité chemine avec des disciples

Introduction

Chaque évangile a un récit d’apparition du ressuscité. Chez Luc, c’est le chemin des pèlerins d’Emmaüs. Au début du récit, ils quittent Jérusalem tristes et déçus, ils ne s’attendaient pas à la croix. À la fin du récit, ils courent retrouver les disciples pour leur annoncer que Christ est ressuscité. Le chemin qu’ils ont parcouru les a conduits de la déception à la proclamation.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le deuil des pèlerins

Au début du récit, les pèlerins sont en deuil. Quand un étranger les interroge, ils répondent à propos de celui qu’ils ont suivi : Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël.

Dans l’évangile de Luc, à trois reprises Jésus a annoncé sa passion et sa résurrection. Jésus a été crucifié et des femmes ont raconté que lorsqu’elles ont voulu l’embaumer, elles n’ont pas trouvé son corps et qu’un ange leur a annonçait qu’il était vivant, pourtant ils restent enfermés dans leur incrédulité.

Si aujourd’hui on trouve que nos contemporains sont peu réceptifs à l’évangile, on peut se consoler en se disant qu’il en est de même dans le Nouveau Testament.

La pudeur de Jésus

Jésus aurait pu de révéler tout de suite aux pèlerins en leur disant qui il est et en leur montrant les marques de la croix, mais il a fait le choix de ne pas s’imposer. Encore une fois il les enseigne et leur expliquant les Écritures pour leur permettre de cheminer. Puis lorsque les pèlerins le reconnaissent dans le signe de la fraction du pain, il disparaît aussitôt. Les pèlerins auraient sûrement préféré qu’il reste avec eux, mais Jésus les renvoie à leur responsabilité de disciple.

Il aurait pu s’imposer au monde par sa résurrection, il a fait le choix de passer par des témoins.

Pistes d’actualisation

1er thème : Herméneutique de Jésus

J’ai une grande frustration à la lecture de ce texte. Lorsque Luc écrit : Commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l’interprétation de ce qui, dans toutes les Écritures, le concernait,je trouve qu’il aurait pu nous en dire un peu plus sur les passages cités par Jésus. Autrement dit il aurait pu nous éclairer sur l’herméneutique de Jésus, son interprétation des Écritures.

Nous sommes condamnés aux hypothèses. Peut-être leur a-t-il parlé d’un verset du Psaume 118 qui est le passage du Premier Testament cité le plus souvent dans le Nouveau : La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la principale, celle de l’angle (Ps 118.22). La croix n’est pas le signe du rejet de Dieu, mais la pierre angulaire de l’Église, le mode d’être de Dieu dans le monde.

2e thème : Jésus est reconnu à la fraction du pain

Il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna, ces quatre verbes se retrouvent dans le récit de la multiplication des pains (Lc 9.16) et, à une nuance près, dans l’institution de la cène (Lc 22.19). C’est dans le pain béni, rompu et donné que les pèlerins vont enfin voir ce qu’ils ont devant les yeux.

Les disciples d’Emmaüs n’ont probablement pas participé au dernier repas de Jésus, mais en d’autres occasions, ils ont vu Jésus présider des repas. Ce dernier devait avoir une façon particulière de prononcer la bénédiction et de rompre le pain pour qu’il se fasse reconnaître dans ce geste.

Nous pouvons enfin relever que l’évangile de Luc est celui qui parle le plus de repas. Le repas – ce qu’on mange et avec qui on mange – est un marqueur culturel. Dans le Nouveau Testament, c’est souvent au cours de repas que l’évangile est proclamé.

3e thème : Leurs yeux s’ouvrirent

Les disciples étaient empêchés de reconnaître celui qui les avait rejoints. C’est comme s’ils avaient un voile devant les yeux.

Dans la seconde épître aux Corinthiens, Paul déclare que lorsqu’on lit le Premier Testament, on a un voile qui nous empêche de le comprendre, mais il ajoute que lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé (2 Co 3.16). L’Esprit nous permet de voir la marque de Dieu dans les événements de notre histoire.

Péguy a écrit : « Il faut toujours dire ce qu’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est le plus difficile, voir ce que l’on voit. »

Une illustration : Voir la grâce

Dans le livre de la Genèse, lorsque Hagar est renvoyée dans le désert avec son fils Ismaël, arrive le moment où elle n’a plus d’eau. Elle s’assoit à l’écart pour attendre la mort. C’est alors que Dieu envoie un ange pour la réconforter, puis Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits (Gn 21.19). Le commentaire raconte que le puits était là, mais qu’elle ne l’avait pas vu. Son salut était devant elle, mais elle mourrait de soif. Dieu est celui qui ouvre le regard de ses disciples afin qu’ils voient ce qu’ils ont devant les yeux.

Pour aller plus loin :
Pour aller plus loin :
Le pasteur Antoine Nouis reçoit Florence Taubmann, pasteur de l’Église protestante unie de France, pour discuter de Luc 24, 13-35 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/dimanche-15-avril-jesus-se-montre-a-ses-disciples/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis