29.08.2021 : Marc 7.1-23 – Jésus redéfinit la pureté
En redéfinissant les règles de pureté, Jésus change les catégories religieuses
Introduction
Une des questions les plus importantes dans l’interprétation du Nouveau Testament est de savoir comment l’enseignement de Jésus se positionne par rapport à celui des sages de son époque. Notre meilleure connaissance des maîtres rabbinique met en valeur des analogies avec des passages de l’évangile. Selon le professeur Daniel Marguerat, le passage que nous méditions aujourd’hui est un des enseignements les plus originaux de Jésus qui redéfinissent les critères de pureté.
Points d’exégèse :
Attention sur deux points.
Titre : Les pharisiens et quelques scribes
Le chapitre qui précède montre que partout il se rend en Galilée, les gens accourent pour qu’il les guérisse. Sa réputation est allée jusqu’à Jérusalem pour que des pharisiens soient envoyés pour enquêter sur sa personne. Les pharisiens et les scribes représentent le judaïsme du livre à la différence des prêtes qui relèvent du judaïsme du temple. C’est un mouvement laïc attaché à l’interprétation des Écritures et à la mise en pratique de la Torah. Au sein du judaïsme, ils appartiennent au courant le plus proches de Jésus, mais ils vont achopper dans notre récit sur la redéfinition de la pureté.
Titre : Quelques disciples
Les pharisiens voient quelques-uns de ses disciples manger avec des mains non lavées. Parmi les disciples, certains sont plus scrupuleux que d’autres dans l’application des règles de pureté. Dans le groupe des disciples, cela reste une question secondaire. Cela rappelle l’attitude de Paul par rapport aux prescriptions alimentaires : « Celui qui mange, c’est pour le Seigneur qu’il mange car il rend grâces à Dieu ; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur qu’il ne mange pas ; il rend aussi grâces à Dieu » (Rm 14.6). L’important n’est pas ce qu’on fait, mais l’état d’esprit dans lequel on le fait.
Pistes d’actualisation
1er thème : Jésus et la loi
Jésus applique aux règles de pureté relatives à la nourriture le principe qu’il a posé par rapport à un autre pilier de la pratique du judaïsme : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » Il reproche à ses interlocuteurs la dérive légaliste qui consiste à être attachés à la lettre du commandement quitte à en oublier le sens.
Il définit son différend avec les pharisiens en citant Ésaïe (Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi), une façon de montrer que le débat ne se situe pas entre des très croyants et des moins croyants, mais qu’il s’agit d’une opposition entre une pratique purement rituelle et une pratique qui témoigne d’une disposition de cœur. Le reproche qu’il fait aux pharisiens rejoint celui d’Ésaïe aux religieux de son époque.
2e thème : Redéfinition de la pureté
L’univers religieux du judaïsme était organisé autour de la grande distinction entre le pur et l’impur. Des hommes étaient purs et d’autres impurs selon leur métier ou leurs activités, les femmes étaient en situation de pureté ou d’impureté selon leurs périodes. Le but de la religion était de maintenir les fidèles dans le champ de la pureté, ou leur permettre de le réintégrer quand ils l’avaient quitté.
Jésus pervertit cette compréhension en disant que la pureté n’est pas une affaire extérieure, cela ne dépend pas de ce qu’on mange, ce qu’on touche ou des lieux où on se trouve, c’est une question de disposition du cœur. Le but de la religion n’est pas de se purifier les mains, mais de se purifier le cœur.
Pour être sûr qu’on a bien compris jusqu’où va cette nouvelle lecture, Marc ajoute : « Il purifiait tous les aliments. »
3e thème : Les disciples, modèles de l’Église à venir
L’enseignement de Jésus est tellement révolutionnaire pour l’époque que lorsque les disciples se retrouvent seuls avec lui, ils lui demandent de confirmer ses dires. Jésus le confirme en dessinant les traits d’une Église qui est un rassemblement d’hommes et de femmes qui ont en commun de chercher à purifier leur cœur. C’est exactement ce que dit Paul dans le verset qui fonde sa théologie : « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ » (Ga 3.27-28). L’identité du sujet ne se trouve plus dans son statut religieux (Juif ou Grec), professionnel (esclave ou homme libre) ou social (homme ou femme) mais dans la façon dont il a revêtu Christ et dont il a laissé ce dernier purifier son cœur.
Une illustration
Dans l’archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne se souvient des années où il était officier de l’Armée rouge et des crimes dont il était capable. Ensuite, il a connu la déportation. Fort de cette double expérience, il a écrit : « Peu à peu j’ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les États, ni les classes, ni les partis, mais qu’elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité. » En chaque humain, se trouve du pur et de l’impur. En chaque frère, même le plus vil, se trouve du pur ; en chaque croyant, même le plus sanctifié, se trouve de l’impur.
Dans la même veine Etty Hillesum, juive hollandaise qui sera assassinée à Auschwitz, écrit dans son journal ce que nous pouvons considérer comme sa conversion éthique : « jusqu’au jour où est venue soudain cette pensée libératrice qui a levé comme un jeune brin d’herbe encore hésitant au milieu d’une jungle de chiendent : n’y aurait-il plus qu’un seul allemand respectable, qu’il serait digne d’être défendu contre toute la horde des barbares, et que son existence vous enlèveraient le droit de déverser votre haine sur son peuple entier. »
Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Laurence Belling, protestante réformée, chargée de la catéchèse des jeunes dans son église, pour discuter de Marc 7, 1-23 :
Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis