19.11.2023 : Mt 25.14-30 – Parabole des talents

Oser son talent

Introduction

Mt 24 évoque la fin des temps et se termine par un appel à veiller. Les trois paraboles de Mt 25 disent comment veiller. La parabole des dix vierges était un appel à ne pas se laisser assoupir et à poser un œil neuf sur chaque situation, la parabole des talents est une invitation à l’audace : Oser risquer son talent.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Un, deux, cinq talents

Le maître ne donne pas autant de talents à chacun, ce qui peut nous paraître injuste au regard des règles de l’égalitarisme. Cela dit, il ne faut pas oublier qu’un talent est une somme considérable, l’équivalent de 6.000 journées de travail. Même celui qui n’a reçu qu’un talent a reçu une belle somme.

La parabole est une invitation à ne pas regarder dans l’assiette du voisin, mais à prendre en considération la somme énorme du talent qu’il a reçu.

Le maître fait rendre compte

Un jour le maître revient et demande à chacun de rendre compte de sa gestion du talent reçu. Le thème est classique dans les paraboles : Dieu est un maître, un roi, un propriétaire qui part en voyage et qui un jour demande des comptes à son serviteur. C’est le thème du jugement qu’on trouve dans le Nouveau Testament.

Le jugement n’est pas un tribunal, c’est une relecture de notre histoire à partir de la grande question de la parabole : « Qu’as-tu fait de ton talent ? ». Le jugement est la prise au sérieux de notre vie : les choix que l’on fait ne sont pas indifférents aux yeux de Dieu.

Pistes d’actualisation

1er thème : Enterrer son talent

La parabole joue sur l’opposition entre celui qui est fidèle et qui investit son talent et celui qui l’enterre car il a peur de son maître.

Cette opposition nous rappelle que la peur est le contraire de la foi. Dans cet évangile, Jésus n’a cessé de dire à ses apôtres de ne pas avoir peur (Mt 8.26, 10.31, 14.27, 17.7).

La peur dont il est question ici est la peur de Dieu. Après le chapitre 24 sur l’apocalypse et la parabole des dix vierges, on pourrait avoir une image terrifiante de Dieu. Cette parabole corrige cette image en appelant à ne pas avoir peur, mais à demeurer dans la confiance en osant son talent.

Chacun reçoit ce qu’il est. Celui qui a peur est rejeté dans le lieu de la peur et des grincements de dents alors que celui qui a investi reçoit encore plus pour investir encore.

2e thème : Oser son talent

À l’inverse de celui qui a peur, les deux autres serviteurs investissent leur talent aussitôt. L’Évangile est pour eux une urgence. C’est aujourd’hui que nous sommes invités à mettre notre talent au service de la Bonne nouvelle !

Cette parabole s’adresse aux personnes, aux groupes et aux Églises pour qu’ils se posent la bonne question : Quel est le talent unique que chacun a reçu. Il ne s’agit pas de copier sur les autres, mais de prendre conscience du don qui est le sien. Ne pas chercher à cultiver ce qu’on ne sait pas faire, mais développer les domaines où on est bon.

3e thème : L’effet Matthieu

On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il a. Ce verset a déjà été cité dans cet évangile dans le discours en paraboles (Mt 13.12). Il a donné en sciences sociales ce qu’on appelle l’effet Matthieu qui veut que ce soient les plus riches qui s’enrichissent le plus, qui profitent le plus des biens communs et à qui prête le plus d’argent. C’est la parabole du poste de télévision : « Un nouveau modèle qui révolutionne le produit vient de sortir. Plusieurs personnes veulent l’acquérir : le pauvre l’achète à crédit et paye une fois et demie son prix, le moyen casse sa tirelire et achète le poste à son prix, le riche connaît le patron du magasin qui lui fait une ristourne de trente pour cent et le très riche se fait offrir le poste s’il accepte d’être photographié à ses côtés ! » Ici, nous ne sommes pas en sciences sociales, mais dans l’Évangile et les richesses dont il est question sont les richesses spirituelles.

Dans le domaine de la spiritualité, plus on s’enracine dans l’Évangile et plus on le comprend, plus on tend les mains et plus on reçoit, plus on vit la grâce et plus la présence de Dieu s’impose à nous, plus on ose son talent et plus notre vie s’épanouit dans l’Évangile.

Une illustration : La parabole et l’esprit d’entreprise

Lors de son voyage aux États-Unis au début du dix-neuvième siècle, Tocqueville a souligné l’importance de cette parabole dans l’essor du capitalisme dans ce pays.

Il a admiré le dynamisme des entrepreneurs qui osaient. Ils le pouvaient car socialement, celui qui a osé son talent et qui a échoué est mieux vu que celui qui n’a pas osé. Il recommencera avec un autre talent, et un jour il réussira.

Au même moment, en France, les romans de Balzac dépeignent une société dans laquelle la faillite est une honte qui rejaillit sur toute la famille.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis