Qu’en est-il de notre laïcité ? Une mise au point historique avec Valentine Zuber

Invitée des Samedis de la SHPF le 13 décembre dernier, l’historienne Valentine Zuber a proposé une conférence claire et rigoureuse sur un mot omniprésent dans le débat public, mais souvent mal compris : la laïcité. Introduite par Hubert Bost, la rencontre s’inscrivait dans le cadre des activités de la Société de l’histoire du protestantisme français, attentive à éclairer les enjeux contemporains par le prisme de l’histoire.

D’emblée, Valentine Zuber invite à sortir des usages polémiques du terme. « La laïcité n’est ni une opinion parmi d’autres, ni une arme contre les religions », rappelle-t-elle. Elle est avant tout un cadre juridique et politique, construit progressivement, visant à garantir la liberté de conscience et l’égalité de tous devant la loi, quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques.

L’historienne souligne que la laïcité française n’est ni intemporelle ni figée. Elle est le produit d’une histoire conflictuelle, marquée par des tensions durables entre l’État et les institutions religieuses, en particulier l’Église catholique. La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État constitue un jalon fondamental, mais non un point d’aboutissement définitif. « La laïcité est un équilibre », insiste Valentine Zuber, « toujours à redéfinir selon les contextes sociaux et politiques ».

Cet équilibre repose sur deux principes indissociables : la neutralité de l’État et la liberté religieuse. La laïcité ne vise pas à invisibiliser les religions dans la société, mais à empêcher qu’une religion ne s’impose à l’ensemble du corps social par le biais du pouvoir politique. « Ce que la laïcité refuse, ce n’est pas la religion dans l’espace public, mais la domination d’une religion sur l’État », précise-t-elle.

Valentine Zuber alerte également sur les glissements sémantiques contemporains. Dans les discours politiques et médiatiques actuels, la laïcité est parfois mobilisée comme un instrument identitaire ou sécuritaire, au risque de se transformer en norme d’exclusion. Or, rappelle-t-elle, « une laïcité qui restreint la liberté de conscience trahit sa vocation première ». L’historienne appelle ainsi à distinguer fermement la laïcité comme principe juridique de ses usages idéologiques.

La conférence aborde enfin la place spécifique du protestantisme dans cette histoire. Minoritaires pendant des siècles, les protestants français ont souvent été parmi les premiers défenseurs de la liberté de conscience et de la séparation des sphères religieuse et politique. Cette mémoire explique en partie leur attachement durable à une laïcité de protection plutôt que de confrontation.

En conclusion, Valentine Zuber plaide pour une approche apaisée et informée de la laïcité. « Comprendre son histoire, c’est se donner les moyens de ne pas la dévoyer », affirme-t-elle. À l’heure où la laïcité est invoquée à tout propos, ce retour aux fondamentaux apparaît plus nécessaire que jamais : non pour clore le débat, mais pour lui redonner de la précision, de la profondeur et du sens.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Valentine Zuber
Entretien mené par : Hubert Bost
Technique : David Gonzalez, Horizontal pictures, Alban Robert

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