C’est à Antoine Nouis que l’on doit la formule : dans les colonnes de l’hebdomadaire français Réforme (1), il parle de la « Galaxie Zuckerberg », en référence à l’Américain Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, réseau social mondialisé lancé en 2004. Belle trouvaille. La rime renforce en effet l’invitation à comparer avec la « Galaxie Gutemberg », nouveau monde qui, à partir de 1451, diffuse l’imprimerie dans toute la chrétienté occidentale. Cette première révolution technologique a permis au protestantisme de survivre. Bien des « hérésies » avaient échoué auparavant, faute de moyens suffisants pour faire connaître leurs croyances. Grâce à l’invention de l’imprimerie (Gutemberg), les protestants n’ont pas connu le destin funeste de tant de prédécesseurs. Leurs idées ont pu se répandre plus vite que le galop des inquisiteurs.
De Gutemberg à Zuckerberg
La seconde révolution technologique, c’est celle d’internet et des réseaux numériques. Elle peut être résumée en raccourci par le patronyme du fondateur de Facebook, mais elle est bien plus large que les contours d’un réseau social. Elle décuple aujourd’hui l’accès au savoir et transmet l’information en temps réel d’un bout à l’autre de la planète, ouvrant aux religions, grâce au miracle digital, des continents nouveaux. Des steppes, forêts et cités virtuelles. Dématérialisées. Mais où l’on se rencontre via des forums, où l’on débat via des blogs, où l’on chasse via les moteurs de recherche. On s’y informe par des portails, où y achète de la musique chrétienne grâce à des sites spécialisés, on s’y promène via Youtube (vidéo) ou Instagram et Flickr (photo), on y puise des modèles et de l’inspiration sur les écrans des chaînes télévisées numériques. On y nourrit jour et nuit sa piété ou ses marottes via des podcasts ou des alertes Google.
Nouveau continent protestant virtuel
Le sociologue français Jean-Paul Willaime observe : en insistant sur « le sacerdoce universel des croyants, en développant un rapport critique à l’Eglise de leur temps, les Réformateurs ont d’emblée voulu conquérir l’opinion publique ». Ils se sont portés « vers la communication de masse » (2). Cinq siècles après la Réforme et la première Révolution Gutemberg, les arrières-petits enfants des Réformateurs n’ont pas perdu la main. Ils naviguent avec aisance dans la Galaxie Zuckerberg. Le terrain protestant francophone en est une bonne illustration : ce que nul n’aurait imaginé il y a encore 20 ans fait vibrer aujourd’hui des millions de « fils et filles de la Réforme » par-delà mers et océans. Communautés virtuelles et réseaux transcontinentaux horizontaux et interactifs élaborent en temps réel une nouvelle alchimie chrétienne. Un continent protestant francophone immatériel est né, charpenté et irrigué par les médias numériques…. Des espaces pionniers, ouverts aux Christophe Colomb du XXIe siècle.
(1) Antoine Nouis, « Des protestants pas sages », Réforme, 26 septembre 2013.
(2) Jean-Paul Willaime, « attitudes protestantes face aux médias », L’année canonique, 41, 1999, p.58.