Du Québec à la Suisse en passant par Abidjan et Bruxelles, tous les choristes des principaux groupes Gospel qui se produisent aujourd’hui sur des scènes francophones ne sont pas protestants. On trouve parmi eux un petit nombre de catholiques. Et sans doute quelques non-croyants ou non-affiliés ? Mais la très grande majorité des interprètes qui chantent du Gospel sont issus d’un christianisme marqué par le sillage de la Réforme et des Réveils.

Visages d’une « nouvelle France protestante »

Dans le périmètre de l’Ile-de-France, la base sociale des groupes Gospel s’appuie d’abord sur les quelque 400 églises et paroisses franciliennes protestantes  marquées par l’impact migratoire subsaharien et l’apport de concitoyens d’Outre-Mer (Caraïbes). Ces choristes et musiciens sont les visages, femmes et hommes, de cette « nouvelle France protestante » dont les contours se sont recomposés et rajeunis, depuis un demi-siècle, sous l’effet de la poussée évangélique et de l’immigration.

Le protestantisme issu des Églises luthériennes et réformées, rassemblé aujourd’hui dans l’EPUF (Eglise Protestante Unie de France), alimente certains groupes. Il offre par ailleurs un large accueil aux chorales qui cherchent à se produire. Mais c’est du côté du protestantisme porté par les Églises évangéliques, pentecôtistes et charismatiques, que l’on trouve la matrice principale d’où émergent les nouveaux acteurs de la scène Gospel. Ce protestantisme de conversion, d’expression souvent plus récente, n’est pas un christianisme d’héritiers. Il trouve, au travers des productions Gospel, une manière de s’inscrire symboliquement dans la lignée croyante qui, de Moïse à Martin Luther King, exprime sa foi en une libération spirituelle et sociale portée par la Parole de Dieu.

Jeunesse en demande de reconnaissance

On compte notamment en son sein les réseaux de la CEAF, de l’ECOC, les deux principales unions d’Églises locales « d’expression africaine », des Églises haïtiennes… « Il s’agit de populations jeunes, résidant très majoritairement en région Ile-de-France, pour lesquelles le projet de situation de migration est désormais, dans la plupart des cas, l’installation et la sédentarisation dans le pays d’accueil »(1) , suivant des dispositifs socio-culturels où les Églises locales jouent un rôle pivot.

Souvent précaires, peu visibles dans les réseaux protestants institués que sont la FPF et le CNEF, ces assemblées partagent la recherche d’un « chez-soi », d’un lieu de culte…. et d’une place au soleil(2) . Elles trouvent, via les chorales Gospel, un vecteur d’interaction à large spectre avec le grand public francilien, chrétien ou non, et un espace de valorisation des richesses créatives d’une jeunesse protestante afro-européenne en demande de reconnaissance. Au-delà, elles participent en partie à un réinvestissement symbolique de l’espace urbain opéré par ailleurs par d’autres acteurs évangéliques, via une musique au contenu chargé de spiritualité.

(1) Bernard Boutter, « Pentecôtisme et ethnicité en France », in Jean-Pierre Bastian (dir.), La recomposition des protestantismes en Europe latine, entre émotion et tradition, Genève, Labor et Fides, 2004, p.289.
(2) Marianne Gueroult, « Une problématique commune à toutes ces Églises issues de l’immigration : la recherche d’un lieu de culte », Les Eglises issues de l’immigration, de quoi parlons-nous ? Paris, FPF, 2012, p.12.