À ce jour, près de 250 plaintes ont été déposées dans le cadre de l’Affaire Bétharram. Qu’ils soient anciens élèves, pensionnaires ou encore témoins des agissements de violences physiques et sexuelles perpétrées dans l’établissement catholique privé de Pau, leurs témoignages ont été entendus mais cela s’arrête là. Pas de mise en examen des agresseurs, ni jugement, ni condamnation. Aujourd’hui, seule une personne est poursuivie. En cause, la prescription prévue par le code pénal. Cette notion juridique rend impossible le jugement de quiconque pour des faits remontant à plus de 30 ans, comme le rapporte France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Face à cette situation, les victimes de Bétharram réclament l’annulation de la prescription. Une mesure qui leur permettrait d’obtenir la reconnaissance de leurs plaintes devant la justice et l’ouverture d’une procédure judiciaire plus importante. Ainsi, l’avocat de la plus ancienne victime déclarée de l’établissement catholique a choisi de saisir la chambre d’instruction de la cour d’appel de Pau vendredi 16 mai. « Pour l’instant, le procureur de la République se refuse à ouvrir une information judiciaire en considérant que les faits sont prescrits. Je conteste cette interprétation de la prescription. Les crimes sexuels, les violences, les tortures se sont inscrits dans une sérialité, une continuité et ont été dissimulés par la congrégation des pères de Notre-Dame de Bétharram », a-t-il déclaré.

Une mauvaise décision de la justice ?

Depuis les révélations médiatiques sur l’Affaire Bétharram, seuls trois individus ont été interpellés et placés en garde à vue. Un religieux de 94 ans, ancien responsable de l’établissement, et un surveillant laïc de 69 ans ont été relâchés en février dernier pour prescription des faits qui leur sont reprochés. En revanche, un autre surveillant âgé de 59 ans a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, puis remis en liberté, souligne France info. À ce sujet, l’avocat de la plus ancienne victime déclarée a critiqué ces décisions : « Comment est-il possible qu’il (l’homme de 59 ans placé en détention provisoire) ait pu être protégé et exfiltré pour échapper à la justice ? Ce sont des questions auxquelles la justice paloise doit répondre. Elle ne peut pas se dérober, elle ne peut pas se contenter d’empiler des plaintes. »

Outre les violences sexuelles, certaines victimes de Bétharram ayant subi des violences physiques réclament elles aussi la prescription des faits. Mais comme pour les crimes sexuels, les actes de barbarie et de tortures sont exemptés au-delà de 30 ans. Dans le cadre de l’affaire, la grande majorité des violences subies sont datées de plus de trois décennies, donc hors du cadre prévu par le code pénal, comme le souligne France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Une issue favorable est-elle envisageable ?

À l’instar de Bétharram, d’anciens élèves du collège Ozanam de Limoges, victimes d’agissements similaires, ont récemment déposé plainte pour « crime contre l’humanité ». En cas d’acceptation, cela permettrait de lever la prescription sur l’affaire et d’obtenir une reconnaissance par la justice pénale des violences physiques et sexuelles subies, souligne Ici Limousin. Malgré cette demande, la procureure de la République de Limoges n’a pas encore ouvert d’instruction rappelle la source.

Du côté de la cour d’appel de Pau, l’hypothèse d’une plainte pour crime contre l’humanité n’a pas été formulée par les plaignants. De plus, le parquet général aurait requis le maintien de la saisine actuelle du juge d’instruction, précise un média local. Ainsi, si aucune nouvelle saisine n’est faite prochainement, le délai de prescription de 30 ans s’appliquerait. Dès lors, les faits de violences commis avant 1995 ne pourront être poursuivis par la justice et ne seront donc pas condamnés. La confirmation ou non de cette décision sera rendue le 17 juin prochain. En attendant, les nombreuses victimes de Bétharram continuent de se battre pour que leurs témoignages ne soient pas oubliés aux yeux de la justice.

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