Seul Haïm Korsia, le grand rabbin de France, était absent mercredi 24 avril. N’ayant pas pu participer à la table ronde sur le projet de loi sur la fin de vie à laquelle étaient conviés les représentants des cultes par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, il fera part de ses pensées par écrit. Les autres participants, eux, ont réagi de manière unanime. Pour eux, l’appellation “aide à mourir” ne dissimule rien d’autre qu’une “euthanasie” ou un “suicide assisté”, relate La Chaîne parlementaire. “On semble vouloir cacher l’acte d’assistance au suicide et d’euthanasie sous le vocable ‘aide à mourir’, sous prétexte que c’est simple et humain. Mais ce qui est humain, me semble-t-il, c’est la vérité”, a déploré l’archevêque de Rennes, Pierre d’Ornellas.

Christian Krieger, le président de la Fédération protestante, a souligné qu’“actuellement, le cadre posé” par la loi Claeys-Leonetti “n’est pas exploité dans ses pleines potentialités”. Comme les autres responsables religieux, il verrait d’un bon œil de privilégier l’accompagnement des patients, en mettant l’accent sur les soins palliatifs. Et ce, d’autant que le Gouvernement s’est engagé à les renforcer parallèlement à la mise en place d’une aide à mourir. Rappelant que “le protestantisme est, en interne, en débat”, Christian Krieger a qualifié le projet porté par le Gouvernement de “loi pour la psychologie des bien-portants”. Selon lui, il est comparable au “domino majeur qui tombe”, ouvrant ainsi la voie à une “rupture anthropologique”, précise le site infochretienne.com.

Crainte de “dérapage éthique”

“L’euthanasie ou le suicide assisté, dont l’intention est de directement tuer, de faire mourir, constitue une rupture absolue de l’éthique médicale”, a estimé Sadek Beloucif, le représentant de la Grande Mosquée de Paris. Quant à Carol Saba, l’envoyé de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, il a mis en garde les députés contre un “dérapage éthique” et une “forme de rupture de civilisation”.

Les représentants des cultes ont aussi partagé leur crainte de “la banalisation, [d’]une pression sociale qui pourrait pousser les personnes précaires et fragiles à penser qu’elles sont de trop”, a émis Vincent Jordy. Le vice-président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Tours redoute, en effet, que les strictes conditions d’accès à l’aide à mourir s’assouplissent peu à peu, ajoute La Chaîne parlementaire. Antony Boussemart, le co-président de l’Union bouddhiste de France, a, quant à lui, défendu une meilleure éducation à la mort, l’assimilant à un “moment de vie”.

“Les souffrances de ces personnes”

Des députés, eux, n’ont pas caché leur étonnement après que les représentants des cultes ont défendu la loi Claeys-Leonetti qui permet et clarifie l’usage de la “sédation profonde”. “Ce n’est pas une aide à mourir ?” a questionné Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance), la co-rapporteure du projet de loi. “Avec la sédation, l’intention est le soulagement, ce n’est pas la mort”, a souligné Sadek Beloucif. Un avis partagé par Philippe Juvin, élu Les Républicains, qui a dit avoir pratiqué la sédation profonde sur son père. “Et je ne l’ai pas tué, je l’ai aidé. La différence est fondamentale. Ceux qui n’ont pas compris ça n’ont pas compris la loi Claeys-Leonetti.”

Sandrine Rousseau (Les Écologistes) est d’un autre avis. “Ce qui me choque, ce qui est absent de vos mots, ce sont les souffrances de ces personnes”, s’est émue la députée. Elle a expliqué avoir accompagné sa mère dans sa décision de mourir. “Elle s’est suicidée, et j’étais présente. […] Qui étais-je pour juger de son état à ce moment-là ?” a poursuivi la députée.

Devant l’Assemblée nationale le 27 mai

La commission spéciale sur le projet de loi relatif à la fin de vie va continuer ses auditions préparatoires à l’examen du texte. Ensuite, à partir du 13 mai, les députés de la commission étudieront les articles du projet gouvernemental et les amendements déposés. Enfin, le texte sera débattu, en première lecture, à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale.