La sclérose en plaques de mon mari évoluant, il a eu besoin d’aide au repas, au transfert et à la toilette. Au début, j’ai tout fait, la toilette aussi, mais je me suis aperçue que mon regard changeait sur mon époux. Un glissement malsain s’opérait dans notre relation. J’étais aidante mais je n’étais plus aimante. J’ai décidé de solliciter des aides à domicile. J’ai fait le choix de demeurer aimante.

Une vision renouvelée de l’aide à la personne

Quand une femme doit s’occuper de son époux, elle change de rôle, l’amour peut disparaître. Si on ne met pas tout en œuvre pour rester une épouse, on peut devenir maltraitante. C’est vrai aussi pour un mari qui doit accompagner sa femme, ou pour un enfant qui doit aider son père ou sa mère. Avec la maladie de mon mari, ma vision de l’aide à la personne a changé. J’ai aujourd’hui une approche très différente : je vis au quotidien ce que les aidants vivent. Des épouses veulent rester des épouses, c’est leur droit, et tant pis si on les regarde de travers. Il faut faire changer les mentalités et arrêter de culpabiliser les aidants. Je suis à leur écoute. Mon projet est de les aider à rester des aimants.

Une aide pour la personne et son entourage

La maladie ne touche pas seulement une personne, elle bouleverse tout un environnement de vie. Être auxiliaire de vie ne se limite pas à aider une personne dépendante à accomplir ce qu’elle ne peut plus faire. Cela implique aussi de soutenir son entourage, de combler les manques, et parfois de devenir les mains et le cœur de celui ou celle qui ne peut plus agir pour ses proches. Pourtant, les règles actuelles ne le permettent pas toujours. Pires encore, elles ne reconnaissent pas l’importance de soutenir les aidants, ces épouses, maris ou enfants qui portent une charge mentale et émotionnelle écrasante.

Les formations et les recommandations manquent de cohérence. Elles se focalisent exclusivement sur la personne aidée, en oubliant qu’elle fait partie d’une famille. Cette vision restrictive brise des couples, éloigne des enfants et accentue l’isolement de ceux qui ont le plus besoin de soutien.

Mes salariées ne prennent pas seulement soin de la personne aidée mais sont également attentives aux besoins de ses proches, parce que leur bien-être contribue directement à celui de la personne malade. C’est ainsi que nous pouvons redonner un semblant d’équilibre à des vies bouleversées.

Des coordinatrices d’autonomie bienvenues

J’ai répondu à un appel à projets pour être accompagnée par l’Accélérateur ESS de HEC. Depuis 2018, l’Accélérateur ESS, lancé par la région Île-de-France et opéré par HEC Paris à travers son Centre d’entrepreneuriat social, accompagne des acteurs à fort potentiel de l’économie sociale et solidaire (ESS) pendant deux ans pour les aider à grandir et accroître leur impact. J’ai un mentor, des cours réguliers, on m’aide à revoir mon modèle pour que mon entreprise ait plus d’impact. J’ai compris que les personnes aidées ont besoin de coordination. J’ai créé deux postes de coordinatrices d’autonomie. Elles sont à l’écoute du projet de vie de la personne accompagnée et mettent tout en œuvre pour faciliter la gestion du quotidien. Elles prennent en charge la famille, de manière globale. Elles s’occupent des démarches administratives, trouvent des solutions de soutien à l’autonomie, sollicitent des aides financières pour aménager le logement, coordonnent l’intervention des différents professionnels à domicile… C’est un métier très peu connu.

Les métiers du secteur de l’aide à la personne sont précieux, ils permettent de mettre en place une vraie solidarité. Les femmes qui les exercent ont vraiment un rôle essentiel, même si elles n’en sont pas toujours convaincues.