Nous partageons une studette. Nous aurions bien aimé accrocher quelques guirlandes mais nous avons pensé qu’elles risqueraient de foutre le feu. L’électricité n’est pas aux normes. Loin s’en faut. Un sapin ? Ça nous a bien traversé l’esprit mais le proprio a dit qu’il n’en était pas question. Il en mettra un dans le hall. Quant à installer une crèche, on ne l’évoque même pas. Simon est juif, Hippolyte est athée et je suis protestant. Et puis nous n’aurions pas la place.
Ce soir, c’est aussi mon anniversaire. Nous avons prévu de faire un bon repas. Truite fumée, pain et un soft. Je vais essayer de faire un gâteau. Nous n’avons pas de four mais entre deux poêles ça marche. C’est moi qui offre le dîner. Les deux autres sont indigents. Ça me fait plaisir de leur offrir un diner de Noël. Après, on regardera la télé comme tous ceux qui sont confinés à cause du COVID. Pas de Noël en famille pour beaucoup.
Nous souffrons de l’exiguïté des lieux mais nous avons chaud. Nous avions prévu de vivre ici à deux mais il n’y a pas assez de logements disponibles. A trois, c’est vraiment petit. Nous avons l’eau froide au lavabo, pas de salle de bains. Un lit superposé en fer avec des matelas en mousse ainsi qu’un matelas sur le sol. Malgré mon âge, 70 ans aujourd’hui, c’est celui que j’ai choisi. Je me lève souvent la nuit pour aller aux toilettes qui sont au pied de mon «lit ». Ainsi, je ne réveille personne.
C’est Noël. Il y a des gens plus malheureux que nous. Ceux qui dorment dehors, dans le froid, ceux qui n’ont personne à qui parler, ceux qui ne mangeront pas de truite fumée. Il y a des gens qui souffrent sur un lit d’hôpital, ceux qui sont contraints de faire la guerre pour défendre leur pays, ceux qui ont perdu des proches…
En revanche, il y a un truc qui gâche vraiment la fête, c’est que dehors, même un soir de Noël, les gens sont contents de nous savoir ici et trouvent notre appartement beaucoup trop confortable.
Dans les églises, dans les temples, il y aura des veillées. Ils fêteront la naissance du Sauveur. Aurons-nous au moins droit à une prière ?
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons…
Un résident de la maison d’arrêt de Limoges