Ce mercredi 14 décembre à 20 heures, la France et le Maroc s’affronteront pour décrocher une place en finale de la Coupe du monde de football contre l’Argentine, emmenée par sa star Léo Messi. Et, déjà, cette rencontre revêt une dimension politique. Car c’est la première fois qu’un pays du continent africain accède au dernier carré de la compétition. “On entre dans l’histoire. On met l’Afrique dans les quatre meilleures équipes mondiales. C’est une fierté énorme pour moi”, a confié à l’AFP Walid Regragui, le sélectionneur du Maroc. 

Toute l’Afrique est donc derrière le Maroc pour cette rencontre. “Maintenant, nous devons tous pousser les Lions de l’Atlas et le Maroc pour les mettre sur le toit du monde. On arbore les drapeaux marocains et on met les maillots marocains. Amener la Coupe du monde en Afrique, c’est désormais proche de la réalité”, a par exemple réagi sur Twitter Alioune Tine, figure de la société civile sénégalaise. Pour le sociologue tunisien Mohamed Jouili, cité par TV5 Monde, le soutien aux Lions de l’Atlas s’explique aussi par “le passé colonial de la France au Maghreb”. Il ajoute : “Les pays de la région ne peuvent pas rivaliser avec la France sur les plans économique, militaire ou géopolitique, mais peuvent lui tenir tête pendant quatre-vingt-dix minutes sur un terrain de football et même la battre.” Au Maghreb, mais aussi ailleurs dans le monde arabe, ce soutien s’amplifie lorsque les supporteurs et joueurs marocains brandissent le drapeau palestinien, note TV5 Monde, ce qui montre leur attachement à la cause palestinienne, même si le royaume a normalisé ses relations avec Israël en décembre 2020.  

Moment politique fort

Mais dès le début de la compétition, la politique s’est invitée sur le terrain. Lors du match inaugural, Qatar-Équateur, le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, l’un des artisans du blocus auquel le Qatar a été soumis de 2017 à 2021, s’est affiché avec une écharpe aux couleurs du Qatar sur ses épaules, note Le Monde. Deux jours plus tard, au cours de la rencontre Arabie saoudite-Argentine, l’émir du Qatar, le cheikh Tamim, lui a rendu la pareille, brandissant le drapeau vert de l’Arabie saoudite. Une volonté, au moins en apparence, d’apaiser la rivalité historique entre le Qatar et l’Arabie saoudite. 

Mais comme l’écrit Le Monde, une autre pièce de tissu est venue troubler cette belle harmonie. Alors que sept fédérations souhaitaient que leurs joueurs arborent le brassard “One Love”, symbole de lutte contre les discriminations et considéré comme un signe pro-LGBT (au Qatar, l’homosexualité est passible de sept ans de prison), la FIFA n’a pas validé leur demande. Une décision dénoncée par la sélection allemande dont les joueurs ont, avant d’entamer leur premier match contre le Japon, pris la pose avec la main sur la bouche, comme bâillonnés. Autre moment politique fort de cette Coupe du monde au Qatar, les 11 joueurs iraniens ont boycotté leur hymne national, le 21 novembre, en soutien aux victimes de la répression du régime de la République islamique face à la révolte sociale en Iran. Quelques minutes plus tard, leurs adversaires anglais, souligne France Info, ont posé un genou à terre pour défendre les droits humains. 

Pari réussi ?

Samedi 10 décembre, lors du quart de finale France-Angleterre, la ministre des Sports française a également été aperçue au stade portant un pull bleu avec les épaules et les manches aux couleurs de l’arc-en-ciel. Alors que la FIFA avait affirmé que les drapeaux ou habits aux couleurs de l’arc-en-ciel, symbole des communautés LGBT, seraient acceptés dans les stades, la réalité est tout autre : souvent, ils ont été confisqués par les forces de sécurité du Qatar. Et malgré les appels au boycott pour protester contre les terribles conditions de travail dans lesquelles notamment les travailleurs migrants ont érigé les stades pour cette Coupe du monde, l’émirat est en passe de réussir son pari, écrit France Info : “La billetterie fonctionne, la sécurité semble sans failles, les transports en commun tournent comme une machine parfaitement huilée”, décrypte le journaliste Jean-Marc Four. Pour Kévin Veyssière, auteur du Mondial Football Club Géopolitics interrogé par Ouest France, “le Qatar a déjà gagné sur le plan politique.”