Bien d’autres choses que le café, en Côte d’Ivoire, vous réveillent ! A commencer par l’évangélisation tous azimuts, conduite par de nouvelles Églises postcoloniales. L’une des plus vivaces est aujourd’hui Vases d’Honneur, fondée par le pasteur ivoirien Mohammed Sanogo. Né le 30 avril 1974 à Nogent-sur-Marne, il dirige l’organisation Message de Vie depuis 1998, et l’Église Vases d’Honneur (basée à Abidjan) depuis 2002. Aux côtés de son épouse Liliane, investie elle-aussi dans « le ministère », il est très sollicité. Raison de plus pour ne pas rater l’opportunité d’un échange, en compagnie d’une partie de son équipe : pasteure Prisca, Franck, chargé de la communication, et pasteure Grâce.

Voici le premier volet de ce dialogue, tenu le 16 décembre 2022 à Cocody.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Mohammed Sanogo, époux de Liliane. Nous avons quatre enfants, trois filles et un garçon. Je suis président des Églises Vases d’Honneur et du ministère Messages de Vie. Je suis pasteur ici à Abidjan (Côte d’Ivoire), et j’ai également été consacré apôtre par Mamadou Karambiri (lui-même pasteur et apôtre, à la tête du Centre International d’Évangélisation à Ouagadougou, ndlr). L’Église Vases d’Honneur, c’est aujourd’hui plus de 200 communautés à travers le monde. Avec l’organisation Messages de vie, on met en place des campagnes d’évangélisation et de compassion sociale dans le monde entier.

Vous avez quitté l’islam pour devenir chrétien. Après votre conversion à Daloa, vous étiez alors au collège protestant géré par les Églises de l’UEESO. Comment cela s’est passé?

Quand je me suis converti à Jésus-Christ, mon année au collège protestant de Daloa (région du Haut-Sassandra), effectivement géré par l’UEESO, était déjà en cours. J’ai alors lu la Bible pour comparer avec le Coran, d’autant plus qu’au collège protestant, nous avions des cours bibliques. Au fil de différentes circonstances, j’ai compris la spécificité de Jésus, sa divinité, sa mort pour nos péchés, sa résurrection (1). J’ai commencé à invoquer Dieu comme un chrétien, plus comme un musulman. C’est l’année suivante que mon zèle, mon militantisme chrétien s’est affirmé. Et j’avais alors changé d’école. Je suis allé au Lycée 1 de Daloa. J’avais très à cœur d’annoncer l’évangile aux élèves. Cela a fait du bruit, il y a eu des résistances, mais un réveil s’est produit dans le lycée. Des enseignants se sont montrés bienveillants, m’ont aidé : un professeur d’allemand, un professeur d’anglais… Il y avait une atmosphère de grande curiosité.

Comment s’est effectuée votre évolution vers une approche de type charismatique et pentecôtiste ?

J’ai découvert les Assemblées de Dieu (ADD, pentecôtistes) lorsque j’étais à Daloa. Et c’est au sein des ADD qu’est né le projet de Messages de vie, organisation d’évangélisation que j’ai formellement créée en 1998. Après la seconde, nous avons quitté Daloa. Nous sommes allés à Gagnoa (région du Gôh) où je suis allé en 1ère C, où j’ai créé une cellule de prière. Revenus ensuite Daloa (Lycée 2 CSP), j’étais responsable de cellule ; un grand mouvement de réveil se déclara dans le lycée. Après le baccalauréat, j’ai poursuivi mon engagement chrétien actif au côté de mes études supérieures. C’est là que j’ai rencontré Kacou Séverin (2). Il n’était pas encore très connu, il organisait des séances de prière dans le quartier d’Abobo. J’ai vu l’esprit du Seigneur l’utiliser, je me suis connecté d’une certaine manière à son ministère, sans pour autant faire partie de son staff. Je suis allé chez-lui, à la maison, il y avait du monde autour de lui, j’accompagnais dans ses programmes d’évangélisation. Plus tard, je vais l’inviter, à l’époque, dans une grande école, l’ENSTP (1ère année). Mais voilà, le directeur refusa sa venue ! Du coup, il est revenu dans une autre école, à Yamoussoukro, et je garde le souvenir d’un programme puissant, qui a énormément impacté les étudiants. Un peu plus tard, Kacou Séverin, qui exerçait une influence spirituelle croissante, a participé à sa manière aux évolutions qui ont conduit Laurent Gbagbo au pouvoir (3).

Comment est-on passé du ministère Messages de Vie à la vision du réseau d’Églises Vases d’Honneur ?

En 1996, le Ministère Messages de Vie a commencé à se mettre en place informellement, avant son officialisation en 1998. A partir de là nous avions un noyau de fidèles, de convertis. Nous faisions régulièrement des campagnes d’évangélisation. Nous avons donné un statut à tout cela, Messages de vie. Au tournant du siècle, j’ai reçu une révélation sur la Côte d’Ivoire. Une grande guerre civile allait se produire. Elle commença en 2002.  C’est dans ce contexte que s’est fait jour l’idée de consolider et d’établir les convertis dans des assemblées. L’Église Vases d’Honneur est née de ce désir d’équiper les frères et sœurs, pour encadrer les âmes. Nous avions, alors, en 1998, une première cellule à Marcory, ainsi qu’à Riviera, aux 2 Plateaux (quartiers d’Abidjan, ndlr).

L’Église Vases d’honneur a fêté ses 20 ans l’an dernier. Quelles ont été les réactions des autres acteurs religieux ivoiriens à cet anniversaire ? Y-a-t-il eu aussi des réactions politiques ?

Nous ne faisons pas de politique partisane, non, mais nous avons pour principe biblique de prier pour les autorités, et d’encourager à bâtir la cité avec ses talents. Lorsque nous avons organisé à Abidjan, l’année dernière (2022), les événements célébrant les 20 ans de l’Église Vases d’Honneur, nous avons reçu des visites et témoignages de soutien. Côté politique, le maire de Cocody est venu. Nous avons eu aussi quelques articles de presse. Mais nous pourrions améliorer notre communication. Nous pourrions nous retourner davantage sur les événements, une fois passés, pour le compte-rendu et le bilan. C’est quelque chose sur lequel nous pouvons progresser. Pour revenir aux 20 ans, les visiteurs et témoignages ont été assez nombreux du côté des autres Églises. A la Conférence C’ Pâques 2022 qui était « spécial 20 ans », nous avons eu la participation de l’apôtre Mamadou Karambiri du Burkina Faso, qui soutient activement notre ministère, ainsi que du Pasteur et apôtre Yvan Castanou, un soutien proche également. Un invité du Congo RDC a participé aussi, le pasteur Marcello Tunasi… L’organisation apostolique ivoirienne le CACI (4) nous a adressé ses félicitations. Au sujet de Mamadou Karambiri, je le connaissais de loin au départ, comme un modèle. Il était souvent invité à Abidjan pour des réunions Full Gospel, c’est là que je l’ai rencontré pour la première fois. Je l’ai revu ensuite. Je lui ai posé beaucoup de questions, il m’a donné une série de messages à écouter…  Et le lien s’est renforcé. Avec lui et d’autres, pour les 20 ans de Vases d’Honneur, la fête était belle.

  • Mohammed Sanogo a partagé les détails de sa conversion de l’islam au christianisme dans une vidéo YouTube publié sur la chaîne EMCITV (vidéo postée le 1er février 2016)

(2) Kacou Séverin (1968-2001) est un pasteur et prophète ivoirien, à la tête du Ministère de la Puissance de l’Évangile (MPE), considéré comme un grand pionnier des recompositions du christianisme postcolonial (type évangélique et pentecôtiste) en Côte d’Ivoire.

(3) Lire Marie Miran-Guyon, « Apocalypse patriotique en Côte d’Ivoire, le pentecôtisme de la démesure », Afrique Contemporaine, 2014/4, n°252, p.73 à 90

(4) Structure récente, le CACI est le Conseil des Apôtres de Côte d’Ivoire. Non sans liens avec la New Apostolic Reformation (cf. John Weaver, The New Apostolic Reformation : History of a Modern Charismatic Movement, McFarland & Co, 2016), le CACI est né à Abidjan en 2020-21, il se veut une plate-forme apostolique ivoirienne tournée vers l’évangélisation et l’implantation d’Églises.